DONBASS (Sergei Loznitsa , UKR, 2018, 123min) :


Troublante peinture de la région de Donbass (dans l'Est de l'Ukraine) en proie à un conflit armé depuis 2014 opposant les séparatistes russophones, et les forces russes venus contrôler de façon souveraine la région au et les forces gouvernementales ukrainienne qui tentent de récupérer ce territoire. Un complexe long métrage éclaté dans tous les sens du terme !


Découvert en 2010, en sélection officielle du Festival de Cannes avec son captivant premier long métrage My Joy, le réalisateur ukrainien, après deux nouvelles incursions dans la sélection officielle cannoise avec l'envoûtant Dans la brume (2012) et le laborieux Une femme douce (2017) est revenu cette année sur la croisette par le biais de la section « Un certain regard » présenté cet incisif portrait fragmenté et acéré de son pays d'adoption meurtri par le joug de la Russie dominante.


D'entrée de jeux, car les pistes seront nombreuses, la caméra débarque dans les loges d'une troupe de comédiens en train de se faire maquiller dans une caravane pour s'apprêter à entrer en scène. L'apparition d'un militaire avec un talkie walkie donne le signal à cette troupe de sortir du véhicule pour se mettre en place et de courir entre les immeubles dans un paysage désertique sous l'œil de journalistes et dans le bruit des explosions afin de livrer leurs témoignages sur l'acte terroriste mortel venant d'avoir lieu. L'entrée en guerres (armée et médiatique) nous plonge directement dans la dénonciation. À travers une déconcertante mise en scène en saynètes effrayantes avec de brillants plans séquences montrant toute l'horreur du conflit, l'ampleur de la corruption et les diverses manipulations à tous les niveaux d'une région gangrenée par la guerre et divers gangs, le réalisateur déploie une charge lourde contre le pouvoir soviétique.


Sergei Loznitsa livre une radicale narration politique qui manque parfois de nuances et fait souvent froid dans le dos en mêlant dans un même récit l'aspect documentaire et la farce morbide mélangeant la réalité de la fiction pour dénoncer la propagande, les comportement violemment arbitraire, l'hystérie collective, la violence quotidienne d'une région au cœur du chaos. Cette cauchemardesque odyssée chorale structurée en épisodes : dramatique, kafkaïen ou ubuesque, sans protagoniste principal, où seul le conflit sert de fil narratif commun nous offre une multiplications de scènes étirées jusqu'à l'écœurement final, où la magistrale scène finale recoupe en grande partie toute la complexité des thématiques abordés lors de ce périple hallucinant.


Venez découvrir de manière frontale et saisissante cet audacieux pamphlet politique partial et aux épisodes inégaux, mais délivrant une colère froide venant du cœur avec l'énergie viscérale d'un survivant au sein de Donbass. Grotesque. Enragé. Tragique.

seb2046
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le 27 sept. 2018

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