"you're a troubled and confused young man"
A la fin de ce film, je suis plutôt perturbé moi aussi. D'abord parce que je ne sais pas vraiment où le classer. Drame psychologique, thriller, fantastique, angoisse, le film peut se raccrocher à plusieurs catégories, mais imparfaitement à chaque fois. Ce qui pourrait être un point positif mais, bizarrement, ici, ça ne marche pas. Le spectateur est déstabilisé, le film semble être écartelé entre plusieurs chemins possibles et ne va finalement au bout d'aucun. Une impression dommageable de dislocation de l'action, mais aussi d'incomplétude.
Nous avons donc le portrait d'un adolescent très perturbé, lui aussi. La première scène nous le montre se réveillant, en pyjama et pieds nus, en plein milieu d'une route. Il est donc somnambule, et c'est lors d'une de ses crises que le film va vraiment démarrer. Obéissant à une voix ténébreuse, Donnie va se retrouver en pleine nuit, à discuter avec un lapin géant et monstrueux qui lui annonce que la fin du monde est prévue dans 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes. Peu de temps après, un réacteur d'avion s'écrase dans sa chambre. A part ça, tout va bien.
Ah oui, j'avais oublié : il insulte sa soeur et sa mère, suit des séances de psychothérapie, ne semble pas contrôler tous ses gestes et on apprend plus tard qu'il a fait de la prison pour avoir mis le feu à une maison. En bref, il a quelques problèmes d'équilibre psychologique. Et il ne prend plus ses médicaments.
Tout cela nous est révélé petit à petit, par légères touches qui dessinent de plus en plus précisément le portrait complexe de cet adolescent complexe. Forcément, le spectateur doute très vite de la réalité du Lapin Malin, et le cinéaste va faire perdurer ce doute jusqu'au bout. Drame psychiatrique ou vrai surnaturel ?
Là où le film m'a le plus intéressé, c'est pour ce formidable portrait de l'adolescence. Le scénario propose en effet une vision très juste des problèmes de l'adolescence. Une période où on ne sait plus vraiment qui on est, où la question de l'identité est essentielle, et où on cherche à se trouver une place à soi, unique et personnelle. Une place dans sa famille, parmi ses amis, dans son école, dans le monde même en générale. On voit les premiers émois amoureux, mais aussi les questionnements sur le futur : quelle est la place du destin et de la liberté individuelle, est-on prisonnier d'une prédestination (religieuse, sociale, etc) ?
A cela se mêle également une réflexion aiguë sur le système scolaire américain, l'hypocrisie dans les relations compliquées entre élèves, parents d'élèves, professeurs et directeur, l'absence de liberté pédagogique, l'infantilisation des élèves, etc.
L'interprétation est excellente. Jake Gyllenhaal incarne un Donnie formidable, tour à tour ado apathique ou schizophrène effrayant. Sa chérie (dans le film) Jena Malone est toute mignonne. On retrouve un surprenant Patrick Swayze (dans un de ses rares rôles antipathiques), Noah Wyle en prof, ainsi que Drew Barrymore (qui est aussi productrice du film), dans un de ses rôles les plus convaincants.
La réalisation abuse d'effets divers et variés (trucages, distorsions de l'image, cadrages à l'envers, etc). Il y a de petites touches d'humour (comme cette discussion sur la vie sexuelle des Schtroumpfs). L'ensemble est assez lent, ce qui est parfois bon (l'image de la famille américaine modèle en prend un coup dans les gencives, c'est très bien mais ça ralentit le rythme).
Et surtout, on ne sait pas vraiment quoi regarder. Trop de pistes, trop d'éléments d'action, trop de bordel mal organisé pour vraiment accrocher le spectateur.