Le pneu d'une voiture éclate sur une route isolée, six jeunes faisant du covoiturage en sortent pour le réparer et... la petite bombe sanglante orchestrée par ce diable de Ryuhei Kitamura ("Midnight Meat Train" et "No One Lives" du côté de sa filmographie US) où les détonations du fusil d'un mystérieux tireur vont faire régner la terreur va installer de la manière la plus frontale qu'il soit une tension permanente dont il sera impossible de décrocher pendant près de 1h30.
"Downrange" est une sorte d'extension moderne du slasher, tout est là après tout -un coin des États-Unis désert, six jeunes personnages, un tueur mutique- mais, pour répondre à des angoisses bien plus actuelles, fini le meurtrier masqué et armé d'une machette d'une autre époque, place au sniper assoiffé de sang frais et sans motivation apparente. Après quelques conversations futiles pour installer les six potentielles jeunes victimes, ce huis-clos à ciel ouvert démarre tambour battant en faisant fuser les balles sur un rythme qui ne faiblira jamais.
D'une générosité impressionnante aussi bien en matière de gestion de son flot de rebondissements (tout arrive quasiment de manière inattendue et parfois entremêlée, c'est juste fou !) que sur la violence graphique exploitée avec une jubilation évidente par un Ryuhei Kitamura animé du même mauvais esprit cartoonesque déjà présent dans son précédent long-métrage "No One Lives", "Downrange" est aussi guidé par la volonté de survie de ses personnages qui, malgré quelques décisions forcément irrationnelles, se montrent bien plus dégourdis que la moyenne pour s'en sortir (la fille de militaire et le propriétaire de la voiture notamment).
Dans les rares points noirs à signaler, le jeu d'acteurs est parfois inégal et la révélation du trauma d'un des survivants a des airs de passage incontournable (mais s'il est moins à l'aise sur ce terrain, Ryuhei Kitamura s'en servira tout de même pour une exécution plus intensément dramatique que les autres), ce sont néanmoins des petites faiblesses hautement pardonnables vu la qualité de l'ensemble, d'autant plus que l'afflux perpétuel de nouveaux rebondissements couplé à une mise en scène qui trouve toujours le moyen de se montrer inventive en tirant profit des opportunités que lui offre son cadre pourtant plus que minimaliste permet de les gommer instantanément et sans peine de nos esprits.
Alors, certes, la dernière partie se laissera aller à une surenchère complètement gratuite -répondant quelque part au non-sens des actes commis par ce tueur- mais cette poussée dans le grand-guignolesque débridé sera tellement jouissive dans son imprévisibilité et sa filiation explicite avec le slasher qu'elle ne pourra que nous emporter dans un énorme éclat de rire final absolument irrésistible.
Alliant la tension, la violence, l'humour noir et les surprises réservées par son récit avec une harmonie sidérante, "Downrange" est un véritable petit kiffe -pas d'autres mots- dont son réalisateur a totalement compris la jubilation qu'il pouvait en tirer et faire ressentir aux amateurs du genre ayant un peu trop souvent le sentiment de se retrouver en terrain connu. Une réussite !