Tentons de ne pas reproduire la même erreur qu’Alexander Payne, qui fait dans l’expansion pour évoquer la réduction : voici un film totalement raté.
On a du mal à croire que le réalisateur du si délicat et juste Nebraska, il y a déjà cinq ans, ait pu commettre autant d’erreurs au sein d’une même œuvre ; il faut reconnaître qu’il s’en est donné les moyens, puisque ce dernier excède les 2h15.
Longueur totalement injustifiée, et qui ne nous épargne rien, que ce soit lors d’une exposition laborieuse, durant laquelle ne surnage qu’une séquence, celle du marketing vendant les mini-ville comme le nouvel Eden américain : la satire est prometteuse, reléguant toutes les convictions écologiques à un verni de bonne conscience pour aller s’en fourrer plein la panse au pays des prix réduits. Soit une petite dizaine de minutes.
La suite indexera son rythme sur l’errance mollassonne du personnage de Matt Damon, qui, abandonné par sa femme, s’en va découvrir les coulisses du rêve yankee, de fêtes en townships, sans qu’on en ait jamais réellement quelque chose à faire.
Downsizing était censé être une comédie, il n’est jamais drôle. Les personnages en carton ne sont que des prétextes à un tableau inerte (le trafiquant de l’Est gentil quand même, la Vietnamienne victime des violations des droits de l’homme, les Norvégiens désillusionnés et sectaires) d’un monde qui, ô surprise, ne sera pas idéal.
Il se veut une fable sur le sort du monde, mais ne mène nulle part. On ne comprend pas les motivations de l’endive principale, qui est ballotté d’un camp à un autre, fait le bien avec autant de conviction qu’une algue échouée, et va où on (= les scénaristes) lui dit d’aller. Dans la salle de réveil, il vérifie, inquiet, que son attribut viril a gardé la bonne taille : il aurait dû aussi sonder son libre arbitre et sa personnalité, qui pour le coup semblent avoir subi de lourdes séquelles lors de l’opération.
On pourrait se contenter d’être irrité par toutes ces lourdeurs inhérentes à l’application de ressorts d’écriture ; tout est faux, et, surtout, mène à une impasse dans laquelle on joue sur la gravité de la fin du monde pour nous vendre un « love fuck » à base de papillons et de rédemption humanitaire.
Mais le plus consternant est de constater à quel point rien ne fonctionne : Downsizing est un film inerte, dénué de rythme, mis en scène et joué avec une paresse confondante, et semble lui-même tout à fait conscient de son incapacité à intéresser ou émouvoir. Qu’on ait pu songer à lui laisser cette durée pourrait presque être considéré comme une provocation.
Il ne nous reste à souhaiter qu’une chose : que Payne applique ce programme de réduction à ses ambitions maladroites : il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se contente de regarder les hommes en face, sans toutes les pesanteurs de ce conte philosophique aussi inepte qu’hypertrophié.