L’adaptation de ce grand classique de la littérature fantastique est à contextualiser sur plusieurs plans : c’est la première version parlante, l’un des films de l’ère du Pré-Code, et l’objet de plusieurs expérimentations formelles de la part de Mamoulian. Ces dernières se manifestent d’ailleurs dès l’ouverture, entièrement tournée en caméra subjective, avant que le Dr Jekyll ne se regarde dans un miroir pour que le spectateur puisse le découvrir. Un procédé qui se répétera lors de la première transformation en Hyde, et qui, selon le cinéaste, consistait à impliquer le spectateur dans ces consciences pour lui faire vivre de l’intérieur le passage de l’une à l’autre. Cette idée de la dualité reprise par la forme sera aussi exploitée dans des transitions en volets assez originales, puisque l’action se poursuivra quelques secondes sur les deux diagonales de l’écran, à la manière d’un ancêtre du split screen.


Dans cette tragédie de la dualité, ou un savant parvient à laisser sa personnalité la plus instinctive prendre le dessus sur l’homme civilisé, le scénario insiste sur deux orientations. Tout d’abord, Jekyll est un homme frustré et contraint par les conventions victoriennes, dont la figure paternelle et rigide retarde le mariage. Sa fougue amoureuse se voit ainsi malmenée, et explique de manière limpide les élans libidineux de Hyde. Car c’est sur cette thématique que s’orientera principalement le récit, d’abord par la scène de tentation opérée par la jeune fille du peuple que sauve Jekyll, et qui se déshabille devant lui, puis de la relation qui en découlera, sorte de défouloir à pulsion qui pourrait être, avant même l’émergence du concept, une belle illustration du pervers narcissique en action, libéré de toute contrainte. Avant l’avènement du Code Hays, Mamoulian peut ainsi traiter frontalement la question de la sensualité, du désir et des pulsions sexuelles d’un homme qui y ajoute la violence et le sadisme.


En termes de contextualisation, on pourra aussi constater d’autres éléments moins exaltants, comme la proximité embarrassante, dans le maquillage de Hyde, entre un homme de Neandertal et des traits qui peuvent renvoyer à la carricature de l’afro-américain, associé dans les théories racistes largement partagées au prédateur des femmes blanches, comme l’avait tristement popularisé Griffith dans Naissance d’une Nation. Même si la différence d’apparence entre les deux facettes de l’individu est une nécessité dramatique, et occasionne de très belles séquences en termes d’effets visuels, on ne peut que regretter un tel choix.

Sergent_Pepper
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le 7 avr. 2021

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Sergent_Pepper

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