Docteur Jekyll et M. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde) est un excellent drame psychologique réalisé par Victor Fleming, écrit par John Lee Mahin d'après L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, un court roman écrit par Robert Louis Stevenson et publié en 1886.... qui met en scéne la double personnalité du Docteur Henry Jekyll (brillamment joué par Spencer Tracy) un jeune et brillant médecin qui fait des recherches sur la dualité du Bien et du Mal chez l’homme.. mais ses théories ne font pas l’unanimité auprès de ses confrères plus conservateurs... parmi lesquels, il y a le Dr John Lanyon (joué par Ian Hunter) son ami (qui est le plus modéré et compréhensif) et Sir Charles Emery (joué par l'excellent Donald Crisp), qui mécontent du non-conformisme du jeune homme, lui refuse la main de sa fille Béatrix (jouée par la superbe Lana Turner) et décide d’éloigner celle-ci pendant un temps de ce dernier... Alors par désespoir, le jeune medecin décide d'expérimenter sur lui-même un breuvage qu’il a mis au point... lequel le fait sombrer alors, dans un état semi-conscient peuplé de visions fantasmagoriques et se transforme en une créature maléfique qu’il baptisera Mister Hyde.... Ce pendant négatif de la personnalité de Jekyll, d’une sauvagerie incontrôlable, va désormais arpenter tous les soirs les ruelles mal famées de Londres, heureux de satisfaire ses instincts violents... il va retrouver la belle Ivy Peterson (sublime Ingrid Bergman), une serveuse de bar, qui va devenir sa souffre douleur... Sixième version cinématographique (et surement la meilleure), après celle de Rouben Mamoulian sorti en 1931, (avec un Fredric March outrancier (dans le bon sens du terme) dans le role titre), le film de Victor Flemyng, est le plus psychologique et joue beaucoup moins avec l'horreur, grace sa dimension hautement psychanalytique, loin d’être un pâle remake hollywoodien du précédent... Dès le début du film, l’histoire est placée sous le signe des pulsions primaires, cachées sous les habits et les manières sociales des hommes, avec ce premier plan audacieux de la tour de l’Église à la forme nettement phallique : nous sommes en 1883, année où le règne de Victoria, soutenue par l’Église, atteint son apogée, et au cœur de la haute société anglaise, puritaine et conformiste.... Cette œuvre trouve aussi son originalité en posant subrepticement le problème central de l’identification : à qui peut-on véritablement s’identifier dans ce film ? Métaphore universelle de la dualité psychique humaine, il ne suffit pourtant pas de le dire, il faut aussi le montrer, le faire éprouver chez le spectateur. Et le personnage-clé, dans tout ce processus, c’est bien sûr Hyde. C’est là un véritable parti-pris de mise en scène (et de jeu) : tout, dans le film, nous pousse à nous identifier au personnage de Hyde et, plus encore, à nous reconnaître en lui. Car il n’est pas simplement le Mal absolu, il est aussi – et peut-être surtout – le reflet de nos propres fantasmes, de nos propres pulsions, par un implacable effet de miroir.... Servi par un superbe casting ou Ingrid Bergman dans un role inhabituel (initialement prévu pour Lana Turner) casse son image habituelle en devenant une femme des rues sensuelle et provocatrice, entraînant sans le savoir sa propre perte, tout en inspirant une profonde sympathie, sans être pour autant une simple victime pure et innocente.... elle est superbe dans tous les sens du terme... Enfin bref, le Dr Jekyll et Mr Hyde de Victor Flemyng reste donc un film troublant, dérangeant (avec certaines scènes très audacieuses dont celle (fantasmagorique) du Dr Jekyll chevauchant deux femmes nues) , qui, malgré le temps, n’a rien perdu de sa force et de sa brûlante modernité... on frôle le chef d'oeuvre.