DreamWorks passe le cap de la maturité
Chez Disney, beaucoup connaissaient Chris Sanders. En effet, le bonhomme avait travaillé sur les scripts et de certaines animations de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous La Belle et la Bête, Aladdin, Roi Lion et de Mulan. Sans compter qu’il est le créateur de Lilo & Stitch, en plus d’en être le réalisateur (son premier film) et la voix du mythique extra-terrestre. Et si je parle de lui au passé, c’est que ce cher Sanders a mis fin à son contrat en 2007 avec le studio, pour pouvoir travaillé avec DreamWorks. Qui, en 2010, lui permet de réaliser son second film, adaptation d’un roman pour enfant. Un projet où Sanders retrouve son compère Dean DeBlois, également un ancien de chez Disney ayant aussi travaillé sur Lilo & Stitch.
Dragons nous plonge à l’époque des Vikings, dans un décor qui frôle l’heroic fantasy étant donné que les terribles guerriers qui ne connaissent pas la peur (clin d’œil personnel à Astérix et les Normands) doivent combattre des nuées de dragons qui massacrent le bétail et les habitations. Mais tout va changer le jour où Harold, fils du chef très loin des archétypes du Viking normal (maigrichon, sensible, un chouïa trouillard) va tisser des liens d’amitié avec l’une des créatures, un dragon inconnu (n’ayant jamais été vu malgré les légendes qui pèsent à son sujet) paralysé au sol (ne pouvant plus s’envoler) qui aura besoin de cet humain pour reprendre les airs. Une amitié qui sera évidemment mal vue mais qui ouvrira les yeux de l’adolescent sur la véritable nature des dragons (animaux non cruels mais juste apeurés qui se défendent).
Film d’animation signé DreamWorks, Dragons va pourtant en étonner plus d’un via sa maturité inattendue. Le long-métrage a beau s’inspirer d’un livre pour enfants et donc de présenter une histoire qui leur est abordable (une histoire d’amitié entre un humain et un animal) tout en passant par des trames secondaires déjà vues (l’ado rejeté qui tente de trouver sa place dans la société et auprès de son père, la fille indifférente qui va pourtant tomber peu à peu sous le charme du héros…), Dragons n’a pourtant rien à voir avec la majorité des divertissements visant le jeune public.
Et pour cause, après Shrek, Gangs de Requin, Madagascar et Kung Fu Panda, il est surprenant de voir un film d’animation qui laisse de côté l’humour. Bon, il y a bien quelques détails qui font sourire et des personnages secondaires et certaines situations qui apportent une touche comique. Mais en comparaison avec tous les films d’animation et dessins animés qui puissent exister, Dragons montre qu’il n’a pas été réalisé pour faire rire. Mais bel et bien pour divertir ! Que ce soit au niveau du bestiaire des dragons (plutôt large et original), des séquences de vol virevoltantes (où le jeune Harold chevauche son dragon surnommé Krokmou) et de la bataille finale qui montrent à quel point l’animation par ordinateur s’est grandement développée depuis que Toy Story ait lancé la mode (il n’y à qu’à voir les décors, qui paraissent aussi détaillés et jolis à regarder que ceux d’Avatar).
Une maturité qui se confirme également dans l’écriture des personnages. Des adolescents (notamment Harold et Astrid) qui ne sont pas de jeunes innocents lancés dans une aventure malgré eux. Mais bien de « petits » adultes prêts à affronter le danger de la vie (l’entraînement à combattre les dragons représentant donc le passage à l’âge adulte), sans trop s’embêter avec les « histoires » de leur âge (comme la romance, bien entendu inévitable, mais pas plus mis en avant que ça). Bref, Dragons offre un divertissement plus mature pour plaire à un plus large public, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Au point que le film se permet d’éviter quelques clichés de manière assez brutale pour un enfant (SPOILER : un happy end comme on le sentait venir qui n’empêche pas le jeune Harold d’avoir perdu une jambe au combat).
Après, du côté de la VF (oui, je critique toujours notre doublage national en ce qui concerne les dessins animés et films d’animation), on sent que c’est du DreamWorks et pas du Disney. Le studio du « pêcheur lunaire » n’ayant jamais vraiment proposé un casting vocal qui vole haut (rien qu’Alain Chabat en Shrek…). Et pourtant, l’équipe française a pris le soin de prendre des doubleurs professionnels comme Donald Reignoux, Emmanuel Jacomy et Julien Kramer et non des acteurs connus (histoire d’avoir un nom pour la promotion). Des personnalités reconnus dans le milieu qui n’arrivent malheureusement jamais à retranscrire la personnalité de leur rôle respectif. Comme exemple, prenons Reignoux, meilleur doubleur de sa génération mais qui ici donne l’impression d’être endormi (le même ton de voix alors qu’Harold semble plutôt vif par moment). Nous sommes sur ce point très loin, très loin d’un Disney ou d’un Pixar, me faisant du coup regretter de ne pas voir pas plus de films d’animation en VO.
Quoiqu’il en soit, Dragons ne se présente pas comme un long-métrage ayant pour but d’émerveiller. Mais plutôt comme un divertissement véritablement tout public (les adultes y trouveront aussi leur compte) qui veut en mettre plein la vue. Cahier des charges amplement rempli témoignant du cap que veut passer DremWorks (se donner à un plus large public). Un changement que nous devons donc à Sanders et à DeBlois, qui deviennent en un seul film les nouveaux piliers du studio. Vivement les suites !