Le dernier volet d’une trilogie est une étape délicate : permis par le succès d’un deuxième volet qui a installé la franchise, il oblige le plus souvent à la surenchère, et exhibe la possibilité d’un essorage des idées sur un univers qui semblait infini de promesses.
Dragons a, dans le domaine très formaté de l’animation à gros budget, donné une place confortable à Dreamworks. La saga a su prendre son temps et se sera déployée sur près de dix ans, attestant d’une volonté d’offrir un spectacle de qualité ; sur ce terrain, cet opus est encore au rendez-vous pour présenter les dernières prouesses en termes d’animation : de l’eau aux flammes, des grains de sables aux nuages, les clairs-obscurs, la fluidité, la précision et les jeux de mouvements atteignent un nouveau palier qui force le respect. Dragons prend le parti de son univers, délaissant les terres un peu trop toons de Disney et Pixar pour reprendre à son compte les épopées, où la nature sauvage, les vastes paysages ou une imagerie médiévale héritée de la fantasy assombrissent avec pertinence l’atmosphère générale.
Sur bien des points, le film est à rapprocher de son prédécesseur, et malheureusement aussi pour ce qui faisait ses limites. Il est vraiment regrettable de constater à quel point une machine de cette ampleur peut se voir réduite par le soin apporté à son écriture. Pour résumer, la quasi-totalité de ce qui concerne les personnages humains est au mieux dispensable, sinon presque embarrassant. L’humour est déjà ringard (les jumeaux sont vraiment très irritants), les motivations du méchant sont consternantes de linéarité, et la trajectoire du protagoniste suit gentiment son bonhomme de chemin vers la nouvelle étape de sa vie, à savoir le mariage.
On pourrait s’en tenir à cet énervement et subir le film comme on en digère mal un si grand nombre. Mais c’est oublier le cœur de la franchise, qui lui a toujours permis de voltiger quelques coudées au-dessus de ses pairs : son véritable personnage principal ce dragon noir et brillant, qui arpente aussi sa trajectoire, et va déployer ses ailes vers de nouveaux horizons : d’écriture, de paysages et de sentiments. La voltige en osmose avec son comparse cède le pas à une parade amoureuse en plusieurs temps qui occasionnent des séquences qu’on peut qualifier sans usurpation de sublimes. Tout est là : l’humour, la tendresse, la grâce des mouvements, la subtilité d’un ballet pour lequel le héros humain est un temps le souffleur, avant de rester au sol face à l’émancipation des créatures. Sans paroles, par le pouvoir de l’image, l’animation tire enfin tout le parti de ses atouts, et conduit le récit vers une réelle parenthèse enchantée, qui disséminera quelques beaux moments dans la suite du récit, notamment la découverte du monde caché éponyme, grandiose et coloré, même s’il emprunte peut-être un peu trop à Avatar et Coco pour son esthétique, aussi sémillante reste-t-elle.
L’assez poignant final – qui aurait dû, pour garder son intensité, s’achever avant l’ellipse et les retrouvailles semble en définitive assumer cet état de fait : notre monde n’est pas digne de vous, dit l’homme aux dragons avant leur envol loin des humains.
Le film pourrait en dire autant : c’est lorsqu’il lâche réellement la bride d’un schéma narratif trop rigide, qui visiblement lui fait un peu peur, qu’il prend réellement son envol.