Les anglais ont une expression pour décrire ça : ''Dog eat dog'', la loi de la jungle où le monde est soumis à la guerre de tous contre tous. C'est la vision du film, ou plutôt il suffit d'une personne pour qu'un contexte donné soit soumis à cette règle. Slasher chic, contemporain, Dream Home est un film d'équilibriste où cohabitent mélo et humour noir, gore pugnace et commentaire social.
Abordant la crise du logement sous un angle inattendu, Dream Home devrait trouver écho notamment chez les jeunes adultes. On voit d'abord des trentenaires composant avec leur situation, peu épanouissante mais pas désespérée, se contentant de cumuler les projets de divertissement. Après tout, on a qu'une vie. Cheng n'en est pas là. Cela va causer du tort à des innocents.
Dream Home montre les gens ordinaires plongés dans un monde du ''chacun pour soi'' ; or le manque de moyens ne rend pas plus sage ou vertueux, surtout tant qu'on est otage des règles du jeu. Cheng Lai-seung, en l’occurrence, est otage par sa cupidité (alors que ses collègues et amis sont frivoles et médiocres). Elle est un prédateur égoïste au milieu des 99%, avec les problèmes communs des classes populaires et moyennes. Il est vrai qu'elle n'a aucun horizon, tandis que les nantis autour d'elle, comme les propriétaires de l'appartement qu'elle convoite, ont une large marge de manœuvre, ne respectent pas leurs engagements et peuvent convoquer le soutien des autorités légales pour se protéger à la moindre petite menace. Peut-on la comprendre ? Oui et plus encore, redouter ce qu'elle serait en situation de pouvoir.
Extrêmement raffiné, valorisant la splendeur morose de l'urbanisme, Dream Home se distingue également par sa violence inouïe. Le spectacle est particulièrement atroce, les meurtres sauvages, grotesques. On peut légitimement se demander quel est l'intérêt (d'être le spectateur) de cette extraordinaire violence, notamment lors de la séquence de l'aspirateur.
Entre les meurtres, les flash-backs, ceux montrant la vie actuelle de la jeune femme, ses démarches pour l'appartement, son quotidien avec notamment cet amant marié pathétique. Et ceux montrant sa genèse, ou comment elle devient cette femme brutale, sous le masque de la sensibilité et de la froideur mêlées. Dream Home est peu convaincant à ce (seul) niveau, car incertain, se baladant entre le social, le psychologique et le tableau narcissique sans trancher ni investir à fond aucun versant, sinon le dernier au travers de cette double-vie, ce double-comportement et le dérèglement à l’œuvre montrant quel monstre froid et vide se cache sous cette peau.
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