Il m’a suffit de lire les 3 premières ligne du pitch de ce film pour avoir envie de me ruer en salle pour le voir. 24h après, c’est chose faite. J’en ressors extrêmement dubitative, mi-emballée, mi-frustrée.

Dès les 10 premières secondes, j’étais dedans. Les couleurs, la composition du cadre, le grain de l’image, l’ambiance en suspend, ni vraiment effrayante, ni tout à fait rassurante. Puis, l’histoire embarque, le mystère prend. Chaque plan est réfléchi, le montage est astucieux, la musique immersive, les acteurices extrêmement convaincant•es. Et surtout, je prends un grand plaisir à ne pas savoir où je vais. Impossible pour moi de deviner quelle scène va succéder à la précédente. Je me laisse porter, je suis inquiète, je suis curieuse. Chaque personnage est extrêmement bien caractérisé et leurs interactions sont subtiles. Il y a une radicalité dans la mise en scène, une façon d’aller jusqu’au bout d’une idée sans avoir peur de l’inconfort qui est très enthousiasmante (une fameuse scène impliquant un relâchement intestinal me reste particulièrement en mémoire). Le réalisateur sait aussi très bien gérer la montée en tension, comme dans cette scène de thérapie collective où d’autres auraient peut-être fait basculer l’action vers la panique beaucoup plus tôt.

Malheureusement, passés ses deux premiers tiers, le film se fait porteur d’un message nauséabond : à bas la cancel culture ! Le réalisateur, en interview, prétend que son propos était en fait de tenir un discours sur la difficulté à gérer la célébrité, particulièrement à l’heure d’internet. Mais il me semble impossible qu’une personne qui semble autant maîtriser chaque aspect de son film et qui met explicitement le terme « cancel culture » dans la bouche de ses personnages n’ait pas vu ce qu’il était entrain de faire. Les ados, la jeunesse, est dépeinte comme superficielle, cynique, assoiffée de célébrité et d’argent, fragile psychologiquement, brandissant le moindre désagrément comme un « trauma » pour faire tomber des hommes qui n’ont rien demandé à personne, les accusant de violence qu’ils n’ont pas commises et qui ne sont que le fruit de l’imagination cruelle de cette jeunesse accrochée à ses smartphone. Les femmes en prennent aussi pour leur grade : elles sont tentatrices, elles sont castratrices, elles divorcent de leur compagnon loyal quand celui-ci est pris dans la tourmente (et elles gardent les gosses et la baraque), et mêmes elles fantasment sur des vieux inconnus terrorisants qui s’introduisent chez elles pour les toucher sans leur consentement, mais finalement, elles adorent ça.

Un rêve particulièrement intense (il faut souligner d’ailleurs la sobriété avec laquelle ces rêves sont mis en scène, ce qui les rend incroyablement poignants) fait espérer un nouveau retournement de situation qui permettrait peut-être de revenir à un discours plus censé et entendable (lorsque, spoiler, le héros se retrouve face à lui-même). Mais finalement ce fil n’est pas vraiment tiré et tout s’arrête là, ce qui est assez frustrant.

On termine quand même sur une note appréciable : j’aime que l’on ne sache pas dans quel rêve on se trouve lors de la dernière scène, l’ambiguïté est plaisante et permet de se raconter deux fins très différentes.

galadriel_tndsbs
5

Créée

le 31 déc. 2023

Critique lue 13 fois

Critique lue 13 fois

D'autres avis sur Dream Scenario

Dream Scenario
Sergent_Pepper
6

More than we cancel

Nicolas Cage est l’un des rares acteurs sur lequel on construit la singularité d’une œuvre : loin d’être bankable, il est devenu au fil des années une caution à pitch improbable, alternant les...

le 28 déc. 2023

66 j'aime

5

Dream Scenario
Plume231
4

Dans la peau de Freddy Proutger !

Par le biais de son précédent film, Sick of Myself, le cinéaste norvégien Kristoffer Borgli avait réalisé une satire de la société contemporaine à travers le portrait d'une narcissique, prête à tout...

le 2 janv. 2024

43 j'aime

8

Dream Scenario
Yoshii
7

We all had a dream

Sorte de fable de l'éphémère, Dream Scenario brasse de très, (trop) nombreuses thématiques. Son ton interroge également : sommes-nous en présence d'une comédie, d'une allégorie misérabiliste sur...

le 5 janv. 2024

25 j'aime

Du même critique

J'irai cracher sur vos tombes
galadriel_tndsbs
5

Confuse

Je sors de cette lecture le cerveau en vrac et le cœur retourné, avec un millier d’idées contradictoires qui s’entrechoquent dans mon esprit. En espérant faire le tri dans tout ça, je me suis ruée...

le 16 janv. 2019

29 j'aime

4

Osmosis
galadriel_tndsbs
2

Raté sur toute la ligne

Osomosis est une série agaçante. Elle commençait plutôt bien pourtant : un sujet très dans l’air du temps qui pose de vrais questions et surtout une proposition rafraîchissante dans le paysage...

le 16 avr. 2019

8 j'aime