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Une fable noire qui commence presque comme un conte et part en Javel à la première occasion, ça ne peut que réjouir. Et puis, un prof de fac, ça fait toujours rêver les cinéastes. Comme dans le récent film argentin très recommandable, Nicolas Cage campe un gentil benêt, tout imbibé de son savoir abstrait, c'est-à-dire passablement inapte à la vie quotidienne. Une manière facile de discréditer une certaine forme d'intelligence et de savoir. Parce qu'elle ne servirait à rien, selon bon nombre de fictions apparemment très documentées. Tout au plus ces vieilles barbes d'enseignants du supérieur seraient-ils bons à lever une élève de temps à autre. Encore que là, la scène la plus hilarante de cette chute aux Enfers dépeint justement le héros, Paul, en position de profiter de sa soudaine notoriété, qui n'a absolument rien à voir avec son métier, évidemment, rattrapé par la misère de sa condition de quinquagénaire marié : éjaculateur précoce et sujet à des ballonnements embarrassants. Autant de pris pour le prestige universitaire. Ca me rappelle cette recette éculée contre le stress pendant les oraux : s'imaginer son examinateur aux toilettes. Bon, on ne peut pas dire que ça brille par son originalité, mais il y a certainement une vraie jubilation chez certains à dynamiter la dignité professorale. Toujours est-il qu'il y a malgré tout de véritables trouvailles dans cette histoire invraisemblable : des tas de gens se mettent à rêver de Paul, d'abord figurant passif de leur vie nocturne. Frappé par cette soudaine notoriété involontaire, le héros va d'abord cabotiner un peu, puis tenter de profiter de l'occasion pour remettre sur les rails son vieux projet d'écriture d'un livre qui fera date dans son domaine de recherches. Le bon point, c'est que tout va partir à vau l'eau assez vite parce que son alter ego de rêve va rapidement se transformer en cauchemar pour ceux qui vont croiser sa route, mettant en scène toutes les névroses de ses victimes endormies, si bien que Paul, selon la bonne vieille méthode américaine, sera ostracisé et mis au ban de sa communauté en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. Après les films sur le bullying, il faudra faire une thèse sur ceux de la mise à l'écart par la communauté comme punition ultime. Au passage, Little Children traite de ces deux thèmes simultanément, avec moins de sel, certes, mais assez efficacement. Bref, je fais l'impasse sur la conclusion de cette histoire tirée par les cheveux, bien sûr, pour m'arrêter sur l'interprétation de Cage, qui joue sur bon nombre de nuances avec finesse : père un peu dépassé, mari gnangnan capable d'un accès de charme accidentel, professeur pontifiant, intellectuel sans envergure, mâle vieillissant trahi par son organisme, rival professionnel humilié, ambitieux velléitaire, souffre-douleur estomaqué, repenti hypocrite, victime expiatoire complètement laminée... on peut dire que le rôle est une mine pour un acteur qui a envie de s'amuser un peu. Et Cage était l'acteur de l'emploi, capable de tout, sa filmo l'a démontré, y compris du meilleur, ici, parce qu'il exploite aisément une large palette de visages d'une même personne en un temps record. A lui seul, il mérite l'expérience, bien qu'il ne soit pas le seul atout de ce film qui ne respecte rien. La société américaine, gangrenée par sa psyché délirante et paranoïaque, en prend pour son grade.
Créée
le 10 déc. 2024
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