Drôle de drame est une excellent comédie noire française de Marcel Carné, coécrite par Jacques Prévert d'après His first offence, livre de 1912 de Joseph Storer Clouston sur des photographies réalisé par Eugen Schüfftan, Louis Page, Henri Alekan et de superbes décors créé par Alexandre Trauner... qui met en scéne dans une Angleterre puritaine... Irwin Molyneux (joué par le génial Michel Simon), un botaniste qui s'improvise comme écrivain de roman policier (Le Crime modèle) sous le nom de Félix Chapel.... époux de Mme Margaret Molyneux (jouée par l'excellente Françoise Rosay) une femme attachée aux apparences et fort collet-monté (tout particulierement avec ses domestiques) qui va disparaitre bizarrement selon l'évêque très puritain Soper (joué par le non moins génial Louis Jouvet) dont la célèbre réplique : « Bizarre, bizarre... », est sienne... Alors que surgit William Kramps (joué par Jean-Louis Barrault) l'ennemi public n° 1... devenu assassin (un tueur de Bouchers) après avoir lu Le Crime modèle... Pendant ce temps, Billy (joué par Jean-Pierre Aumont) un laitier amoureux d'Eva (jouée par Nadine Vogel) la secrétaire de Monsieur Molyneux, le professeur de botanique... raconte des histoires de crimes aux domestique de la maison... La police (dont l'inspecteur Bray de Scotland Yard (joué par Pierre Alcover) et les journalistes (dont Buffington (joué par Henri Guisol) qui résous ses enquêtes que dans son sommeil) enquêtent sur la disparition de la maitresse de la maison... et la foule se déchaine... Ce qui frappe d’emblée dans ce film, c’est le sens percutant de dialogues qui détournent les lieux communs. Ceux-ci sont parfois présents sous la forme de leitmotiv tels que « A force d’écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver » (Michel Simon/M. Molyneux) « Moi, j’ai dit bizarre… bizarre ? Comme c’est étrange…Pourquoi aurais-je dit bizarre… bizarre… » (Bedford/Jouvet) ou encore « Vous lisez les mauvais livres écrits avec la mauvaise encre du mauvais esprit » (Archibald Soper, l’évêque de Bedford/Louis Jouvet). Les effets recherchés sont évidemment comiques – la répétition y contribue – et corrosifs, servant le propos général du film. Prévert se fait plaisir, et son plaisir est communicatif. Il n’en dit pas moins dans un registre apparemment léger des choses essentielles, au service d’une thématique libertaire. Il écorne la morale bien pensante des milieux bourgeois... Jean-Louis Barrault écrivait à propos du film en 1974 : « Il me paraît, à trente-sept ans de distance, que l'originalité profonde de Drôle de drame a été caractérisée par une liberté totale d'expression et la synthèse de l'humour et de la poésie. Et c'est peut-être cela qui a surpris le public, mais c'est grâce à ce film que Prévert et Carné ont imposé au monde du cinéma la poésie burlesque, la qualité du verbe poétique, l'humour et la liberté totale dans les associations d'idées du montage. C'est ce qui me semble donner toute sa valeur moderne et future à Drôle de drame. »
Drôle de drame est un pur chef d'oeuvre (le premier du cinéaste) de la comédie burlesque et loufoque, deuxième long métrage signé par le légendaire tandem Carné/Prévert qui avait dérouté (et déroute toujours) un public formaté... et la critique a sa sortie... qui est l’adaptation d’un obscur roman britannique, qui sert ici de prétexte à une pétulante comédie policière où l’absurde est mêlé à l’humour anglais, au surréalisme, et toute à une tradition du vaudeville chère au théâtre français... et qui est menée à un rythme sans failles, l’intrigue passe vite au second plan pour laisser place à un cinéma de dialogues éblouissants, et l’on ne compte plus les fameuses répliques cultes, ou les auteurs (de même que l’ensemble de l’équipe artistique et technique) s’amusaient en fait comme des fous mais derrière un récit boulevardier éclatait une féroce dénonciation des hypocrisies bourgeoises et religieuses, incarnées notamment par l’évêque Archibald (Louis Jouvet), Tartuffe prêcheur de morale et pris au piège de ses faiblesses... Il n’est pourtant pas le seul personnage emblématique de la dualité puisque le savant conformiste (Michel Simon) s’avère un écrivain qui est lui-même un imposteur, et que son épouse étriquée, prête à tout pour sauver les bienséances de son rang, succombera aux roucoulades de William Kramps (Jean-Louis Barraut), le tueur de bouchers (Jean-Louis Barrault). On soulignera ici l’inspiration de la plupart des interprètes.... De l’inspecteur-chef hystérique (Pierre Alcover) au laitier amoureux (Jean-Pierre Aumont), en passant par le journaliste dormeur (Henri Guisol), c’est un vrai festival d’allumés et d’illuminés... font de ce film un chef d'oeuvre du genre pas très fréquent dans le cinéma pour être souligné.