Voici sans aucun doute un des plus célèbres films du cinéma français d'avant-guerre, un de ces joyaux comme on n'en fait plus et qui avaient vraiment un style. Il fut un demi-échec ou un demi-succès c'est selon, lors de sa sortie en 1937, peut-être en raison de son ton d'humour noir auquel le public français de l'époque n'était encore guère habitué (c'est une adaptation d'une pièce anglaise). Le film ne fut vraiment redécouvert qu'en 1951 lors de sa reprise, et de nos jours, il est considéré comme un très grand classique du cinéma français et un des sommets de ce cinéma français des années 30.
Son dialogue étincelant de Prévert, avec la fameuse formule "Bizarre, bizarre" (tout à fait banale car fondée sur des mots anodins), lors de la scène du souper entre Jouvet et Simon, le ton loufoque anglo-saxon vu par la caméra de Marcel Carné, son scénario invraisemblable et plein de rebondissements, et surtout ce prodigieux duo d'acteurs avec Michel Simon en Irwin Molyneux , professeur de botanique timoré qui se cache sous la défroque d'un écrivain de romans policiers jugés impies par son cousin Soper, évêque de Bedford, finement joué par un Louis Jouvet plein de rigueur et aux phrases sentencieuses, tout cela est un vrai régal ! C'est pourquoi je hausse ma note de 2 points, je ne pouvais pas laisser ce film avec un 7, il est pour moi devant les autres chefs-d'oeuvre de Carné que sont les Visiteurs du soir, Hôtel du Nord ou les Enfants du paradis... qui pourtant sont d'un haut niveau.
Mélange de policier et de comédie corrosive et loufoque, à l'humour savoureux, Drôle de drame permettait à Carné de constituer sa célèbre équipe : Prévert aux dialogues et au scénario, Trauner aux décors, Jaubert à la musique. A noter enfin un détail amusant : en Angleterre, le film est exploité sous le titre de "Bizarre, bizarre", c'est dire si les variations de Prévert autour de ce mot ont interpellé même les étrangers. A déguster.