C'est la question que se formulent silencieusement, dans un lycée d'un des plus beaux pays au monde : le Danemark, quatre professeurs (d'histoire, d'éducation physique, de musique et de philosophie), quatre professeurs ayant dépassé la quarantaine, dont la vie est faite et qui, comme perspectives, pensent ne plus avoir que celle de devenir, année après année, des ronds-de-cuir, dans l'indifférence générale de leurs élèves qui, eux, ont la tête et le corps gonflés de rêves et d'espoirs.
La seule réponse qu'ils trouvent à apporter à cette torturante question est d'une comico-tragique banalité : combler le déficit en alcool que présenterait leur sang (selon les affirmations farfelues d'un psychiatre norvégien).
Moyennant quoi ils commencent à s'imbiber du matin au soir, d'abord subrepticement, discrètement. Ensuite, comme c'était prévisible, l'alcool prend le dessus et ils perdent le contrôle d'eux-mêmes. Perte de contrôle passagère (pour trois d'entre eux) et définitive (pour, sans doute, le moins armé intellectuellement, le plus seul et désespéré des quatre).

Vinterberg est un réal qui a du savoir-faire et déjà pas mal de... bouteille. Drunk est son douzième long métrage ; techniquement, je ne vois rien de notable à lui reprocher. Quelques effets un peu faciles, peut-être. De toute façon, ce qui prime dans ce film, en tout cas pour moi, c'est le contenu, le message qu'il véhicule et que je trouve assez tendancieux.
J'ai une telle méfiance vis à vis de l'alcool, une telle conscience de son infernal pouvoir destructeur du cerveau humain, que je ne parviens à prendre tout à fait à la légère ni le sujet, ni le titre, ni l'affiche du film.
Je trouve qu'il roule quand même pas mal en faveur de la consommation d'alcool (et du puissant lobby qui l'exploite). Ainsi, le prof d'histoire (que joue brillamment Mads Mikkelsen) souligne auprès de ses élèves que de trois grandes figures historiques de la WW2, le méchant c'est celui qui ne boit pas (Hitler), alors que Roosevelt et Churchill lèvent, eux, volontiers le coude ; moralité implicite : méfiance envers les sobres. Le film nous montre ensuite tout un défilé de chefs d'État bien partis, pour ne pas dire complètement bourrés ; moralité implicite : on peut picoler et exercer les plus hautes fonctions, ça n'a rien d'incompatible. Un élève, qui a redoublé sa terminale et qui ne pourra pas la tripler, a terriblement peur de rater à nouveau son bac et panique au moment de l'oral de philo. Qu'à cela ne tienne, son propre prof lui recommande de boire une double, voire une triple rasade de vodka (dissimulée dans une bouteille d'eau minérale), technique qui rassénère l'élève, lui délie la langue et l'esprit et il réussit son oral. Bien sûr que tout ça est à prendre avec humour et qu'il faut voir le film comme une satire, une charge, une dénonciation, une comédie quoi ! Et que ce film souligne d'ailleurs nettement que boire oui, mais avec modération.
N'empêche ! Son contenu général et notamment sa fin m'ont mis mal à l'aise.
Car, après l'enterrement du prof de gym (qui meurt en mer, certes, mais, comme son vieux chien à demi impotent, il n'avait plus grand chose à espérer de la vie, alors... c'était peut-être aussi bien qu'il meure, pas vrai ?), tout finit par une grande fête des terminales ayant réussi leur bac et qui arrosent ça généreusement avec les trois professeurs survivants et notamment le prof d'histoire qui vient de récupérer sa femme et retrouver (momentanément ?) sa joie de vivre.
Moralité implicite du film : les lendemains qui chantent, certes, finiront par déchanter ; la vie est dure, pleine d'épreuves, usante et se termine pour chacun toujours de la même façon ; l'alcool nous aide à fêter les bons moments et à passer les caps difficiles, donc buvez... avec modération (sauf qu'on sait bien que l'habitude aidant, la modération disparaît et que l'envie d'alcool reste).
Drunk, c'est : En route pour l'apocalypse... à vitesse modérée.
Pas sûr que ce soit une méthode très recommandable.

Alors quoi ? Où puiser le courage de vivre ? En nous-mêmes, fortifiés notamment par la lecture des bons auteurs. Pour ma part, à une époque où je me sentais au bord du précipice, Balzac m'a beaucoup apporté.

Post-scriptum. Le film a obtenu aux Oscars 2021 celui du meilleur film étranger. Je l'ai donc clairement sous-noté, si l'on en croit l'opinion des professionnels du milieu.

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le 10 nov. 2020

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Fleming

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