Étonnant. Plus de vingt ans après leur première adaptation d'une oeuvre d'Arnold Schoenberg ( le déconcertant mais intrigant Moïse et Aaron ) les Straub réitèrent l'expérience avec Du jour au lendemain, opéra en un acte unique et cinématographiquement passionnant. Fidèles à leur credo artistique ( à savoir que le cinéma est nécessairement un art de la présentation se devant de redéfinir les autres formes artistiques via l'image et le son ) Danièle Huillet et Jean-Marie Straub invitent le spectateur à suivre une étude de la vie conjugale plus proche de la comédie que de la tragédie ; en effet si le canevas dudit film respecte la règle des trois unités la tonalité et les codes lorgnent davantage du côté du marivaudage, montrant un mari et sa femme discourant avec afféteries sur leur sort respectif. S'y ajouteront deux prétendants voués à re-présenter leur infidélité, ainsi qu'une petite fille pour mieux servir de contrepoint à cette amusante scène de ménage pour le moins plaisante à regarder.


Le travail sur les lumières est encore une fois remarquable, savamment théâtral et clivant du point de vue des deux protagonistes de l'opéra schoenbergien ( William Lubtchansky parvient à littéralement séparer l'homme et la femme à renfort d'un jeu d'ombres diamétralement opposées ), et le film des Straub suggère dans le même mouvement de maîtrise et de précision la charge sociale intrinsèque à la pièce originelle ; comme chez Marivaux les figures filmées sont dignitaires d'une inconstance bourgeoise et d'une médiocrité morale pertinemment pointées par le couple de cinéastes. Une oeuvre exigeante et sans compromis mais salutaire pour qui osera y pénétrer sans préjugés intellectuels ni artistiques.

stebbins
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le 24 mai 2020

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