Du rififi chez les hommes, réalisé par Jules Dassin en 1955, est souvent salué comme l'un des plus grands films de braquage de l'histoire du cinéma, et pour de bonnes raisons. Ce film noir français, qui a établi de nouvelles normes pour le genre, est une œuvre magistrale qui combine une tension implacable, une mise en scène précise, et un réalisme brut pour raconter une histoire de crime et de trahison dans les rues sombres de Paris.
L'intrigue suit Tony le Stéphanois (Jean Servais), un ancien gangster récemment sorti de prison, qui décide de réunir une équipe pour réaliser un braquage audacieux d'une bijouterie. Ce qui distingue Du rififi chez les hommes des autres films de braquage, c'est la manière méticuleuse avec laquelle Dassin construit l'opération. Le cœur du film est la séquence de braquage elle-même, un chef-d'œuvre de tension qui s'étend sur près de trente minutes et se déroule sans un seul mot. Cette séquence, réalisée avec un réalisme glaçant et une précision chirurgicale, est devenue emblématique, influençant de nombreux films de braquage qui ont suivi.
Jean Servais, dans le rôle principal, incarne Tony avec une gravité et une fatigue palpable, faisant de lui un personnage à la fois dur et tragique. Servais donne à Tony une profondeur psychologique rare, marquée par un mélange de résignation et de détermination, qui fait de lui un anti-héros mémorable du film noir. Les autres membres de l'équipe, interprétés par Carl Möhner, Robert Manuel, et Jules Dassin lui-même (sous le pseudonyme Perlo Vita), apportent chacun une dimension unique à cette bande de criminels, avec leurs propres motivations et faiblesses.
La mise en scène de Dassin est impeccable. Utilisant des plans longs et des mouvements de caméra fluides, il parvient à maintenir une tension constante tout en immergeant le spectateur dans l'univers gris et impitoyable du Paris criminel. Les décors, filmés principalement en extérieurs réels, ajoutent au réalisme du film, renforçant l'impression d'un monde où la survie se joue à chaque instant.
Le film explore également des thèmes profonds tels que l'honneur parmi les voleurs, la loyauté, et la trahison. Alors que le braquage se déroule sans accroc, c'est la nature humaine – la jalousie, la peur, l'amour – qui fait dérailler le plan parfait. Cette fatalité, typique du film noir, est traitée avec une subtilité et une finesse qui rendent Du rififi chez les hommes non seulement captivant, mais aussi poignant.
La musique de Georges Auric, minimaliste et souvent absente dans les moments de tension maximale, est également remarquable, créant une atmosphère presque oppressante qui maintient le spectateur sur le fil du rasoir.
En conclusion, Du rififi chez les hommes est un chef-d'œuvre du film noir, où Jules Dassin combine un réalisme brut avec une esthétique raffinée pour créer une œuvre d'une intensité rare. Le film reste une référence incontournable dans le genre, aussi bien pour sa séquence de braquage inégalée que pour sa profonde exploration de la psychologie criminelle. C'est un classique du cinéma qui, plus de soixante ans après sa sortie, continue de fasciner et d'inspirer.