Duel à Monte Carlo del Norte
6.2
Duel à Monte Carlo del Norte

Long-métrage d'animation de Bill Plympton (2023)

Il y a de ces films qui ne sont pas fait pour plaire à tout le monde, et clairement Duel à Monte Carlo del Norte en fait parti. Sélectionné en compétition Contrechamp au festival d'Annecy 2023, le film avait été montré dans une version pas finit, laissant un goût amer à ceux qui l'avaient vu à l'époque, et ne permettant pas au film d'être compris car encore plus étrange et radical que prévu. Bill Plympton a galéré à finir ce film. Fonctionnant avant tout par l'auto-financement à travers la vente de dessin et la tenue de cours en école d'art, le film a enchainé les galères entre le Covid, les hésitations de son réalisateur qui est allé voir le distributeur (et co-producteur) du film pour annoncé qu'il voulait arrêté le projet, ainsi que le désistement des partenaires face au caractère virulent du même réalisateur aux style et à la démarche radical. C'est un miracle que ce film puisse sortir en France, qu'il ait la chance de revenir sur le circuit des festival après sa première à Annecy, et je remercierai jamais assez l'Etrange Festival d'avoir accordé une place à cet objet filmique non identifié qui a légitimement sa place en séance spécial. Pour autant, cela ne présage en rien d'un bon film, bien au contraire, car à la vue de la production compliqué ayant pris 2 années de retard, on peut légitimement s'attendre à un désastre... et il est évident que le film a été impacté par ses conditions de réalisations.


Il faut dire la chose d'entré pour levé aucune ambiguïté: le film est laid et fait parti des films les plus moche qu'il m'a été donné de voir. L'animation est plus que sommaire, certains dessins sont vraiment affreux tant les proportions et les silhouettes n'ont aucun sens, on réutilise des dessins pour animer un même mouvement, on réutilise certaines animation (elle-même réutilisant certains dessins) pour répéter une même action, la régularité artistique est tel que certaines séquences se voulant dans un même style peuvent avoir des phases où l'on passe à un style différent tant les plans ne peuvent pas être raccord... rarement vous verrez un film comme celui-là. On est face à une réutilisation hors système que l'on peut légitimement comparer aux films et fictions internet réalisés sans fonds financier ni réflexion car c'est en parti le cas. Cependant, contrairement à certains, le film est conscient de cela et sait profiter de cette forme hors des clous. Le film sait habilement jouer sur sa forme pour proposer un humour que l'on ne peut pas retrouver ailleurs car, à une époque aussi poussé sur le perfectionnement de l'animation, certains gags de l'époque du cartoon ou du slapstick ne peuvent plus être reproduit, tout comme certains gag estampillé "Nanar" inimaginable dans une société comme la nôtre aujourd'hui. Il y a ainsi un plaisir régressif et très bas du front que de voir une réutilisation d'une musique, que l'on pourrait considérer comme un manque de moyen car le réalisateur n'a surement pas eu la possibilité de payer assez de droits d'auteurs, mais que l'on peut aussi interpréter comme un choix malin et ingénieux pour une scène comique où un musicien fait le choix de jouer le même thème musical en permanence alors que son patron souhaiterait qu'il suive les règles du saloon où il a été embauché. La laideur de certains dessins sont ainsi réapproprié et magnifié pour accentuer le burlesque de certaines séquences qui, affranchi de toute règle de beauté et de bienséance, atteint des niveaux de comédie rarement vu au cinéma.


On peut alors y voir un auteur qui, comme un enfant dessinant des débilitées absurdes sur une feuille de papier, prend plaisir à s'exprimer et à faire rire. On pourra ne pas apprécier un tel niveau d'irrévérence, mais il est indéniable que le réalisateur déploie une maestria impressionnante tant les scènes et les situations s'enchainent sans jamais de redondance, sans jamais à voir un réel faux pas ou une faute de goût (le réalisateur ayant parfaitement compris les contraintes et les limites de ses moyens), le tout en suivant un propos cohérent. On parle d'un système et d'une vision d'Hollywood et du star système qu'il faut apprendre à salir et à remettre en question, dans une volonté de proposer autre chose et de débrider des mentalités. Il est alors bienvenu de ne pas suivre les standards de beautés Hollywoodiens, de laisser s'exprimer les impuretés causés par les conditions de réalisation précaires, et d'affirmer un humour et une vision du cinéma qui se révèle moderne et percutante. On peut ainsi voir en le cowboy masqué (détruisant tout sur son passage, causant la mort involontaire de plusieurs villageois et ruinant les projets du maire) comme un portrait de Bill Plympton lui-même trouvant son chemin dans le système hollywoodien. Quand bien même certaines très rare scènes ont l'air de subir de leurs manque de moyen, il devient positif et bien vu de rire de l'absurdité globale, car cela est fait pour faire vivre une expérience quasi unique, entre le nanar et la grande comédie issue de la bande dessiné. Plusieurs fois je me suis retrouvé au bord des larmes tant certains gag et certaines situations sont hilarante dans leur timing comique, dans leur exécution toujours plus excessive, dans leur originalité... alors que la grande majorité de la salle pouvait être consterné et froid devant la proposition.


C'est un film qui ne plaira pas à tout le monde, qui ne peut pas plaire à tout le monde, qui n'a pas été réalisé pour plaire à tout le monde, et qui est fait pour diviser. Pour ma part, il est vrai que j'ai dû parfois rire jaune et me forcer à rire pour rentrer dans l'ambiance, et il est vrai que (de par son rythme) le film rencontre des longueurs et peut paraitre très long quand on vient à attendre l'arrivé de l'équipe de tournage. Pourtant, je ne regrette absolument pas cet effort car le film se bat corps et âme pour exister, que c'est une proposition attachante et généreuse qui fait du bien, qui nous fait redécouvrir le plaisir de voir des films sur grand écran, et qui vaut le coup d'être vu.


15,25/20


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le 10 sept. 2024

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