Deux ennemis de guerre naufragés forcés de cohabiter pour espérer quitter l’île sur laquelle ils sont les prisonniers. John Boorman derrière la caméra. Et un immense film, en somme. Le cadre naturel met à nu deux cultures, dépouille les corps de leur propagande aveuglante ; car l’insupportable ici, c’est le regard de l’autre. Reclus derrière des broussailles, perché en haut d’un arbre, on fixe autrui pour y voir l’ennemi. L’idylle paradisiaque se change en guerre de positions où chacun détruit ses chances de survie en voulant nuire à tout prix. Récit d’apprentissage sans paroles véritables, Duel dans le Pacifique chante la diversité comme nécessaire à l’existence humaine : parce que l’homme n’est pas une île, il a besoin de l’altérité pour se définir. Et si l’état de nature les rapproche à tel point qu’ils semblent un temps amis, l’état de culture idéologique vient aussitôt les séparer lorsque, sous le choc, le Japonais découvre les entassements de compatriotes fièrement exhibés dans un journal patriotique américain. L’île s’assumait en terre de reconquête de soi, de l’autre et du monde, un lieu de refondation. En marchant sur les ruines de la civilisation barbare, ils retournent à l’état de sauvagerie culturelle. Le récit d’apprentissage n’aura duré qu’un temps. Mais quel temps !