Détrompez-vous

Dumbo, c'est l'histoire d'un adorable éléphanteau qui vient au monde, apporté par une cigogne, avec une certaine particularité : ses oreilles sont d'une taille démesurée, aussi immenses que des ailes. Du coup cet élément caractéristique lui attire inévitablement brimades et moqueries venant des autres éléphants, mais aussi des gens venus assister au cirque. Et sa mère ne pourra l'aider très longtemps puisque sa tentative de défendre son petit auprès de garnements ayant poussé le bouchon trop loin la conduit directement en cage. Dumbo se retrouve donc seul, enfin presque puisqu'une petite souris du nom de Thimothée lui viendra en aide. Mais suite à la panique générale provoquée lors d'une représentation, Dumbo joue désormais le rôle d'un clown, ce qui n'arrangera pas sa réputation auprès des autres éléphants. Mais il finira par découvrir que ses oreilles géantes pourront lui apporter de quoi redorer son blason.

4e classique d'animation des studios Disney, Dumbo est un des plus particuliers de la boîte aux grandes oreilles. Il provient d'une époque assez douloureuse pour le cinéma américain, et pour Disney également. Suite aux déceptions financières qu'ont été Pinocchio et Fantasia, les studios ont décidé de lancer la production de quelques petits films avant d'avoir la capacité de faire des projets plus ambitieux. Ainsi, Dumbo passe du stade de moyen-métrage à celui de long-métrage. Sorte de variante du conte Le vilain petit canard chez les éléphants, Dumbo se démarque assez des autres films Disney dans son style.

Ainsi, malgré son idée de départ plutôt simple, Dumbo ne se prive pas d'être complètement loufoque du début à la fin. On a l'impression d'assister à un cartoon Silly Symphonies en version longue. Les cigognes, la locomotive personnifiée (avec une voix et même son propre nom), la Floride avec son nom vu du ciel, la scène des éléphants roses, la représentation finale de Dumbo et ce dernier devenu une star de grande renommée, tout ceci contribue à l'impression générale de regarder un film qui ne se prive pas de mettre toutes les idées les plus farfelues qu'il a pu trouver, et ça fonctionne parfaitement !

Mais la force de Dumbo ne réside pas que dans son côté cartoonesque. Dumbo est un film fort et une belle ode à la tolérance. Pour surmonter les brimades quotidiennes, notre éléphant va devoir trouver "l'apothéose" de sa carrière. Et il la trouvera grâce à ce qui fait l'objet des moqueries depuis le début : ses oreilles aussi imposantes que des ailes. Ce qui lui permettra donc de devenir quelqu'un d'acclamé et d'aimé. Le film délivre un message d'espoir : "Quand on fait de son mieux, on en retire quelque chose de bien à la fin". Il indique aussi qu'une particularité n'est pas forcément un défaut si on sait ce qu'il faut en faire.

Le film est aidé par une galerie de personnages mémorables. Dumbo en lui-même est un éléphant très attachant, il ne parle pas, ce qui est plutôt logique puisque nous pouvons considérer que le personnage est encore un bébé, un bébé qui a besoin naturellement de la protection de sa mère, Mme Jumbo, qui apportera d'ailleurs une scène déchirante mise en valeur par la sublime chanson Mon tout petit. Timothée, l'ami de Dumbo intervenant à mi-chemin du film, est vu comme une sorte de Jiminy Cricket en rongeur, mais il lui est au final assez différent. Il est moins moralisateur et ne cherche rien d'autre qu'aider Dumbo à se faire une réputation positive au sein du cirque.

Même les personnages secondaires sont eux-aussi mémorables et remarquablement travaillés. Les éléphantes qui passent leur temps à se moquer de Dumbo, mais qui se feront remettre en place par Timothée, les corbeaux d'abord moqueurs mais finalement amicaux, les clowns, mais aussi l'imposant Monsieur Loyal, avec un caractère plutôt ambigu. S'il peut être vu comme un méchant suite à son action sur la mère de Dumbo, il n'en est pas forcément un, c'est simplement un directeur qui cherche juste à rétablir l'ordre dans son cirque. Il est aussi intéressant de noter qu'il apparaît comme l'humain le plus important du film, avec les clowns, puisque finalement, les autres humains, que ce soit le personnel du cirque ou les spectateurs, n'ont pas une forte présence.

Dumbo est également un film remarquablement mis en scène et fourmillant de scènes superbement animées. Que ce soit les décors du cirque, notamment lors des représentations de Dumbo en tant que clown, ou encore la désormais célèbre scène des éléphants roses, un bon gros délire totalement surréaliste proche d'un Salvador Dalí, mais aussi un sacré défilé d'inventivité de la part des animateurs, entre les éléphants sous forme de bulles qui font du patinage et le serpent qui finit par se transformer en éléphant déguisé en danseuse orientale. La musique joue également beaucoup lors de cette scène.

Entre les rires et les larmes, Dumbo est très certainement un classique Disney à découvrir et redécouvrir, un symbole du génie des animateurs de la période cartoon des années Silly Symphonies, hélas très court mais très créatif. Une perle du dessin animé, malheureusement un peu oublié aux côtés des mastodontes de la boîte aux grandes oreilles, c'est pourquoi il ne faut pas hésiter à lui redonner sa chance.