Dune: Part Two présente les mêmes défauts que son prédécesseur, soit une imagerie imposée à coups de ralentis et de musique tonitruante, une longueur excessive et une sécheresse tonale ; mais il souffre aussi du cahier-décharge publique imposée par la maison Warner, à savoir le recours au noir et blanc comme indice explicite (et prétendu) d’un auteur – le splendide Mad Max : Fury Road (2015) de George Miller, le périlleux Oppenheimer (2023) de Christopher Nolan, le minable Justice League (2021) de Zack Snyder – et une désincarnation des personnages, corps choisis pour leur beauté plastique et leur aura médiatique plutôt que pour un quelconque désir les animant véritablement – pensons au duo formé par Margot Robbie et Ryan Gosling dans Barbie (Greta Gerwig, 2023), qui joue avec leur statut d’artifice en s’arrêtant in extremis à la vie donnée.
Le film de Denis Villeneuve participe d’un endormissement massif des passions humaines, à l’exception des cérébrales : protagonistes et antagonistes se disputent le pouvoir, découvrent des vérités sur leur lignée respective, acceptent froidement les conventions nécessaires à la réunion des familles. Est sacrifié sur l’autel de la puissance cérébrale le sentiment qui régit pourtant le cœur de Paul et de Chani, expédié en un plan-bisou au profit de la symbolique de leurs différents noms qui, elle, occupe régulièrement les conversations ; de même, l’arrivée du grand méchant Feyd-Rautha suppose le règne « du désir et de la douleur », comme dit ouvertement, alors que rien n’advient jamais : nous le voyons seulement fixer la caméra, l’œil noir et mauvais, sans cheveu ni cil ni sourcil ni barbe, rappelant le clown du diptyque It (Andy Muschietti, 2017 et 2019).
Un tel travail de pose, qui procède par énumération de vedettes comme une vitrine de magasin rassemble des mannequins couverts d’étoffes pour appâter les passants, nuit terriblement à la marche politique du récit qui prétend pourtant montrer la suprématie du pouvoir et le sens du sacrifice individuel qu’il exige. Nous ne craignons pour la vie d’aucun desdits trophées, que le cinéaste met en scène comme un vendeur organise sa devanture, rendant caduque sa pseudo-réflexion autour de l’emprise religieuse et de l’instrumentalisation de la foi à des fins politiques puisqu’il cède à son tour aux facilités de l’épique hagiographique, qu’il légitime ses retournements de situation par la convocation de la prophétie ad nauseam, quelle que soit la langue utilisée.
La promesse d’une « guerre sainte » achève d’inscrire Dune: part two dans un ascétisme sectaire duquel sont bannis « le désir et la douleur », la terreur et la pitié, l’humain en somme, là où les romans de Frank Herbert investissaient les pulsions et les mouvements (intérieurs et extérieurs) des êtres. L’image est belle, ah ça oui ! Mais invite-t-elle à imaginer et, plus encore, à penser ?