En tout cas, pour qui n'a pas lu le roman de Frank Herbert.
En fait, Dune était réputé inadaptable au cinéma, du fait de son extrême complexité. Or l'adaptation en deux parties réalisée par Villeneuve est, quoi qu'on puisse en dire, fort satisfaisante et tout à fait mémorable. Elle fera sûrement date en tant que blockbuster de science-fiction.
Le problème, pour le spectateur lambda, c'est qu'il s'est écoulé trois ans entre la sortie et vision de la Ière partie et celles de la IIème, si bien que lorsque celle-ci commence, il n'a qu'un souvenir assez vague d'éléments clés appris dans la Ière. Ainsi, je ne me rappelais plus à quoi servait précisément la fameuse "épice" et pourquoi elle était considérée plus que précieuse : décisive. J'avais pourtant vu deux fois Dune I en 2021, mais depuis, ma mémoire avait fait le ménage et évacué beaucoup de ses notions ou concepts SF, les ayant jugés de médiocre utilité dans ma vie de tous les jours.
Cependant, la deuxième partie se suit sans grande difficulté, même si on entre moins volontiers dans la réalité de cet univers. Ainsi, j'ai regardé Dune II de façon quelque peu distanciée, comme une oeuvre esthétiquement très réussie, mais froide, presque comme on regarde les très belles images d'un magazine de luxe sur papier glacé.
J'ai eu un peu de mal à croire à la réalité de cette épopée et de ses personnages. Dune - Première partie m'avait surpris et charmé. Je l'ai moins été avec la Deuxième partie, après l'avoir pourtant impatiemment attendue : les vers de sable géants, le baron Harkonnen, la sororité des Bene Gesserit, etc. m'ont semblé moins excitants, moins déroutants (évidemment, puisque je les avais déjà rencontrés et assimilés trois ans plus tôt).
J'ai eu, de ce fait, un oeil plus critique sur cette deuxième moitié et tendance à la trouver plus faible que la première. Ainsi, j'ai été déçu par la façon dont meurt le baron Harkonnen : où est passée l'espèce de pouvoir surhumain qu'il avait dans la première partie, quand il semblait avoir la faculté de survoler les personnes et les évènements comme un dieu de l'Antiquité gréco-romaine ? Dans la deuxième, n'opposant, lors du final, aucune résistance aux forces antagonistes, il est abattu, puis tué comme une bête sans défense. Une fin décevante pour un super-méchant.
De même, je n'ai pas été convaincu par le grand héros de l'histoire. Paul Atreides, qui dans la partie initiale était adéquatement personnifié comme ado par Timothée Chalamet, manque un peu trop de muscles et d'épaisseur quand, dans Dune II, il doit jouer les chefs militaire et religieux devant qui tout plie et tous s'inclinent, même les plus cruels ou les plus puissants. Comme surhomme, il n'a pas la carrure voulue.
Deux personnages sont consistants, réussis, marquants : celui de Chani, qu'interprète Zendaya et celui de Feyd-Rautha Harkonnen, le neveu du Baron, qu'interprète Austin Butler. Je les ai trouvés excellents tous les deux.
Ils ne sont pas les seuls à mériter des superlatifs. Malgré quelques bémols, Dune II est un magnifique blockbuster de science-fiction, cohérent, maîtrisé, esthétiquement très réussi (notamment, le combat de gladiateurs, dans les arènes d'Arrakeen, entre Feyd-Rautha et les supposés trois derniers Atreides), blockbuster dans lequel, cependant, on s'implique assez peu.
Les évènements, les acteurs de l'épopée, leurs motivations et sentiments sont trop survolés, filmés de trop loin, de trop haut pour qu'on y croit vraiment... ce qui n'était pas le cas, si je me souviens bien, dans la première partie. Dans celle-ci, on voulait en savoir plus, mais on se disait : la deuxième partie nous l'apprendra. Là, Villeneuve et son script doivent tout nous dire, tout nous faire comprendre, boucler l'histoire, faire tenir debout l'ensemble et pour ça, il est contraint de choisir, de couper. Il élude ou expédie les scènes intimistes, pour donner plus de temps et d'ampleur aux scènes d'action à grand spectacle.
Les yeux, mais aussi les oreilles (grâce, notamment, à ce leitmotiv nostalgique et déchirant signé Hans Zimmer, qu'on entendait déjà, je crois, dans Dune I) sont comblés. Le cerveau (l'esprit), peut-être bousculé par trop de choses, l'est moins. Par exemple, comment Paul qui, depuis sa rencontre avec les Fremen des déserts d'Arrakis, vit un grand amour avec Chani, peut-il si facilement renoncer à elle, afin d'épouser la fille de l'empereur Shadam IV qu'il n'a quasiment jamais vue (sinon peut-être dans ses visions "épicées") ? Ce retournement de situation — même si on nous y prépare vite fait par un avertissement en forme de réprimande de Lady Jessica Atreides à son fils — est expédié en deux, trois plans ; rien du déchirement que cela implique pour les deux amants n'est explicité. La volonté de puissance, le don de visibilité du passé et du futur (et de s'y adapter au mieux), pouvoirs conférés par l'épice ET le liquide de vie (sang bleuâtre des vers de sable géants) qu'absorbent d'abord Lady Jessica puis "Muad'Dib", sont censés être l'explication de tout !
Conclusion : 1. D'une grande beauté formelle, et très réussi en tant qu'épopée de science-fiction, ce Dune : Deuxième Partie m'a semblé paradoxalement froid compte tenu de l'environnement "saharo-dunien", avec des personnages (exception faite de Chani) peu attachants, presque creux ou qui ne sont mûs que par l'ambition.
2. Quand même, l'ensemble des deux parties impressionne ! C'est un incontestable monument cinématographique. Et qui représente, de la part du réalisateur, comme de ses équipes, un véritable tour de force.
Une suite semble envisagée.
P. S. Ma critique de Dune - Première partie : https://www.senscritique.com/film/dune/critique/251996725