J’ai revu la seconde partie de l’adaptation du roman de Franck Herbert, réalisée par Denis Villeneuve.
Ma conclusion est la suivante : il est préférable de voir ce film sans avoir lu auparavant le roman de Franck Herbert.
Il existe deux façons d’adapter une œuvre littéraire au cinéma. L’une consiste à respecter l’œuvre, dans son scénario, dans le traitement des personnages et surtout dans son message. Le cinéaste est alors au service de l’auteur et de son œuvre. La seconde consiste à utiliser l’œuvre pour l’adapter à sa propre vision. C’est ce que fait Villeneuve dans son adaptation de l’œuvre de Franck Herbert.
Si le scénario suit globalement cela du livre, il s’en détourne cependant par nombre de détails et d’éléments qui dénature l’œuvre de Herbert.
Franck Herbert traite de multitudes thèmes dans son roman, en particulier du pouvoir et du contrôle.
Dans son récit, le contrôle s’acquiert grâce à l’épice produite par les vers d’Arrakis qui permet aux navigateurs de la Guilde spatiale de plier l’espace. Qui contrôle l’épice contrôle l’univers et prend le pouvoir. Les navigateurs de la Guilde joue un rôle central au sein de cet univers.
Le pouvoir est tant qu’à lui détenu par l’Empereur qui régi l’univers connu. Il s’agit d’un pouvoir féodal qui s’exerce sur différentes mondes dans la galaxie, eux-mêmes inféodés à de grandes Maisons qui se font entre-elles la guerre.
Si l’aspect pourvoir est bien traité par Villeneuve, celui du contrôle trop peu, la Guilde étant à peine évoquée. Or la Guilde dépend totalement de l’épice car c’est grâce à cette dernière que les navigateurs peuvent voir les trajectoires les plus sûres à travers l’espace. En outre, la Guilde spatiale, possède le monopole des voyages interstellaires ainsi que de la banque. Il est donc dommage que cet aspect n’ait pas été suffisamment développé.
En revanche Villeneuve développe davantage le thème de la croyance et de la manipulation messianique (la prophétie ensemencée sur Arrakis préparant l’avènement de Paul Atréide). Il insiste très fortement sur cette dimension. Bien entendu elle est très présente dans le livre, mais il y apporte des touches personnelles qui introduisent une sorte de dichotomie, une opposition, croyants/non croyants, nord/sud qui aboutit au rejet par Chani de Paul. C’est une liberté prise par Villeneuve, qui, pour ceux qui ne connaissent pas le livre n’est en rien gênante, mais pour ceux qui le connaissent bien, l’est. Dans l’œuvre de Franck Herbert, Chani embrasse totalement la démarche de Paul. Ils ont d’ailleurs un enfant – qui sera tué lors d’un raid dans le sud de Dune par les Harkonnens – elle sera sa concubine, celle avec qui il partagera sa couche, fait que ne connaîtra jamais la Princesse Irulan. Or Villeneuve introduit dans le couple une intrigue qui n’existe pas dans le livre, le film se concluant d’ailleurs sur un plan de Chani attendant un vers pour s’enfuir vers une destination inconnue.
Cette divergence de traitement de la relation entre Chani et Paul et du personnage de Chani est un choix scénaristique qui m’a personnellement fait sortir du film et avec lequel je suis en désaccord.
Beaucoup d’autres divergences existent entre le film et le livre : le personnage du Mentat, Thufir Hawat, pourtant très présent dans le livre, manipulé par le Baron Vladimir Harkonnens pour tuer Paul, a totalement disparu dans la seconde partie de l’adaptation de Dune ainsi que l’intrigue. De même pour le Baron Fenring, l’ami le plus proche de l’Empereur ainsi que l’intrigue entre Guerney Halleck et Dame Jessica.
Il n’est certainement pas facile d’adapter un roman comme Dune. Cependant, du point de vue scénaristique, l’œuvre de Franck Herbert comporte suffisamment d’intrigues pour ne pas en introduire une nouvelle – tout en en éliminant d’autres – nouvelle intrigue qui détourne totalement le propos du roman.
Tous les autres aspects de l’adaptation de Villeneuve sont magistraux : plans, montage, musique, jeu des acteurs (bien que je mette un gros bémol sur le jeu de Zendanya qui n’a pas vraiment compris le personnage de Chani, mais une touche de féminisme devait être indispensable da,s le contexte idéologique actuel), photographie. Les choix scénaristiques de Villeneuve sont donc dommages et regrettables et font ce film ne peut pas être pas la grande adaptation cinématographique du livre de Franck Herbert attendue par ses fans.
D'une œuvre de SF de grande volée on accouche d'une adaptation cinématographique très commerciale et très idéologisée. Je préfère celle de Lynch, qui a de nombreux défauts mais qui est beaucoup plus profonde dans sa lecture du livre de Herbert.