Lawrence d'Arabie sauce Midjourney - et le test de Bechdel, bordel ?

Je ne sais pas vous mais moi j'en ai plus que MARRE des scénarios à la Pocahontas.

De fait Dune 2 est une sorte de Pocahontas version lente, ou d'Avatar version moins moche. Même Danse avec les loups enfonçait moins de portes ouvertes ! Résumé :

"Un jeune homme, issu des colonisateurs, débarque dans un pays occupé et s'éprend d'une jeune femme autochtone. Il prend conscience qu'il est du côté des méchants, embrasse la cause des autochtones et devient le leader de la révolte parce qu'il est quand même balèze et charismatique. Fin stratège il remporte toutes les batailles, grand guerrier il remporte tous ses combats singuliers.

Oui, c'est l'histoire de Dune 2. Et celle d'Avatar. Et celle de Pocahontas. Et celle de... Pitié n'en jetez plus ! A ce compte-là je préférerais encore que le scénario soit signé par une IA : au moins elle essaierait de se renouveler !

Petite question à la cantonade : est-ce que le film passe le test de Bechdel ? Est-ce qu'il y a un moment dans le film où on voit deux femmes parler d'autre chose que du protagoniste masculin ? Pas sûr. Allez, il y en a peut-être un, perdu dans les fonds, comme le couple homo qui s'embrasse à l'arrière-plan à la fin de Star Wars IX.

Un mot sur le protagoniste (enfin, le mot est un peu fort) féminin joué par Zendaya : ah la la ce qu'elle est farouche et indomptable, la petite gazelle du désert (expressions sexistes et coloniales exprès) ! Oh la la comme elle ne s'en laisse pas compter, elle qui incarne la fierté lucide de son peuple, et qui pourtant cède comme une midinette aux charmes du héros, sans même qu'on comprenne bien pourquoi ! Ah pardon c'est vrai, l'amour ça ne s'explique pas...

Pour donner dans l'exotisme, le peuple vivant dans le désert utilise des noms et des mots à consonnances arabes. C'était sans doute dépaysant dans les années 60, quand Herbert a écrit son œuvre, mais là ça fait juste complètement cliché. Ca fait touriste qui a appris à dire "choukrane" à Marrakech ou "Aloha" à Hawai. Les combattants ne sont pas des moudjahidines mais des Feydakin, le nom de guerre du héros est Muad'Dib... Bref, ça ressemble fort à ce qu'on appelle aujourd'hui de l'appropriation culturelle.

[EDIT : très bon article sur le sujet paru dans Slate]

Ce film sert la soupe à tout le monde : pas de sang afin d'être vu en famille, pas de discours politique afin d'être diffusable en Russie ou en Chine (sinon d'être du côté des plus faibles, de dénoncer l'impérialisme, la corruption des élites, la perversité décadente des classes aisées... Allez peut-être qu'il ne passerait pas en Chine à cause du côté messianique de cet homme blanc venu sauver une autre ethnie), rien qui dépasse pour être vu partout, y compris dans des dictatures (ah, la déification de l'homme providentiel !). Pour plaire à tout le monde, ce film se garde bien d'avoir quoique ce soit à dire. Aux spectateurs de "se faire leur opinion" !

Côté mysticisme et religion, le film est presque malsain, puisqu'il nous pousse à croire que les prophéties, ça fonctionne, et qu'il y a vraiment des sortes de surhommes dotés de pouvoir surnaturels qui vont libérer de leurs chaînes des peuples soumis, des "peuplades primitives", bref des gens qui ne sont "pas assez entrés dans l'Histoire"... En fait il a sur le monde le point de vue impérialiste qu'il fait semblant de dénoncer.

Autre truc vraiment limite :

Alors que le combat pour l'IVG recule un peu partout dans le monde, c'est quand même un signal un peu pourri envoyé aux femmes et à leur droit à disposer de leur corps !

D'accord, la direction artistique est belle et cohérente, d'accord le sound design est très immersif. Mais qu'est-ce que c'est long ! Qu'est-ce que c'est déjà-vu en termes d'intrigue ! Ok, l'équipe technique a assuré, ce sont tous de grands professionnels : mais pendant qu'ils bossaient il faisait quoi, le réalisateur du film ? Il est où, son point de vue sur l'œuvre qu'il adapte ? Elle est où, la distance réflexive inhérente à toute démarche artistique, et a fortiori à toute mise en scène digne de ce nom ?

Je ne comprends pas pourquoi les Marvel se font défoncer pour leurs scénarios convenus et pas ce film-là. Parce qu'il est beau ? Parce que c'est un blockbuster "d'auteur" ? Laissez-moi rire !

Le livre n'est pas cliché, il est shakespearien, il explore son univers jusque dans ses moindres recoins : ce film, c'est un peu le "Que sais-je ?", le Reader's digest de l'œuvre originale.

Le voir au cinéma, c'est la promesse d'une vraie expérience cinématographique et immersive... C'est pour ça que tout le monde l'aime ? Parce qu'ils ont tous eu le cerveau court-circuité par tant d'images si bien léchées ? Pour moi une expérience cinématographique, c'est 1. Accepter de prendre un risque en tant que spectateur, et 2. être plongé dans des abîmes de réflexion à la sortie du film. Rien de tout ça ici.

Côté stratégie militaire, tactique de combat ou je ne sais quoi, le film est une bouffonnerie :

Parlons un instant du boss de fin de stage, c'est à dire le méchant très très fort qu'on voit de temps en temps dans le film, juste pour nous rappeler qu'il est très très fort et qu'il faut craindre pour le héros parce qu'à la fin du film ils vont s'affronter. Ce méchant a les sourcils rasés, les dents noires, et regarde toujours les gens par en-dessous avec un sourire mauvais. On le voit tuer deux ou trois servantes comme ça pour le plaisir, pour bien nous montrer qu'il est très très méchant, voire un peu psychopathe. Et on a très peur pour le héros, parce qu'à un moment on a quand même vu ce super vilain de pacotille battre un esclave affamé lors d'un jeu de gladiateurs truqués !

C'est un autre genre de trucs qui ne passe plus :

Bref, grosse déception après le premier opus, qui avait quand même quelques qualités, comme par exemple une relation mère-fils originale.

Ce que j'ai préféré dans ce film-ci ? Le soleil blanc et les feux d'artifice noirs sur la planète des méchants. Oui, ça fait peu sur 2h45...

Voilà encore un film qui, à force de se complaire dans la bien-pensance et vouloir brosser tout le monde dans le sens du poil, en devient résolument conservateur, pour ne pas dire franchement réactionnaire. Marre !

PS : mais au fait, ça sert à quoi l'épice ? Pourquoi tout le monde en veut ? Pourquoi ça ne donne des hallus prémonitoires qu'à certaines personnes ? Le film nous dit "tout le monde veut de l'épice", et c'est marre. Vous n'avez plus trop le premier film en tête ? Eh bien tant pis pour vous, croyez le film sur parole, de toutes façon on ne vous demande rien de plus que de rester béats et un peu sidérés par tant d'esbrouffe. Dialoguer avec le film ? Enrichir votre point de vue sur le monde et la vie ? Cultiver votre esprit critique ? Ah non, désolé, vous avez dû vous tromper de salle...