Edge of Tomorrow a réussi un joli coup marketing ! Anticipant avec bon sens le boom de médiatisation entourant les célébrations du 70ème anniversaire du Débarquement en Normandie, le film a le culot de transposer cette bataille cruciale de la Seconde Guerre Mondiale dans un contexte futuriste et SF, et surtout, de sortir en salle fin mai/début juin 2014 !

La bande annonce le montre, une bonne partie d'Edge Of Tomorrow se déroule sur des plages de la côte française... les humains débarquent pour libérer la France et l'Europe d'une invasion extraterrestre... en partant de Grande Bretagne libre. Donc, dans ce contexte de commémoration, tout le monde imagine que ces plages de sables grouillant de combattants humains, de bestioles venues de l'espace, d'épaves fumantes et de tirs de missiles ne peuvent être que les plages Normandes ! Ajoutons que les Mimics sont tombés pour la première fois en... Allemagne, et contrôlent fermement toute l'Europe, se battant sans relâche le long de la frontière Russe, et l'on tiens là une extrapolation évidente de l'occupation Nazie. Le procédés peux paraitre grossier et direct, mais au final, voir des américains poser le pieds dans une France ravagée, mais contemporaine, apporte au final son cachet au film, loin des éternelles invasions extraterrestres américano-américaines. Plus tard dans le film, on verra un peu de pays en France, cadre, en partage avec la Grande Bretagne et une petite dose de Suisse, de la totalité de ce film long, mais riche et dense.

Autre clin d'oeil à l'histoire, le personnage féminin, surdouée de la Défense Humaine Unie, devenue une icone de la propagande après avoir éliminé une centaine de créatures extra-terrestres pour son premier jour de combat... à Verdun ! Celle que l'on appelle l'ange de Verdun sert de postulat de départ pour expliquer que l'Humanité a enfin trouvé l'arme miracle pour foutre une autre tannée, cette fois ci décisive, aux aliens, avec leur exosquelette sur armé et permettant une grande agilité, qui a permis à une nana maigrelette de botter le cul de bêtes jusqu'ici invincibles sans recevoir le moindre entrainement... Fort de leur succès à Verdun, les Hommes imaginent pulvériser les lignes de défenses E.T en menant un débarquement de grande ampleur sur les plages Françaises, et ne se préoccupent pas de la qualité, de la discipline ni de l'entrainement de leurs troupes, comme le montre l'amateurisme de la compagnie J, envoyée en première ligne.

Tom Cruise, là dedans, est un officier gradé des relations de presse de l'armée, qui n'a jamais tenu un fusil de sa vie, publicitaire coincé contractuellement par l'Armée et qui vend du rêve au peuple pour recruter des conscrits, mais n'a pas du tout l'âme d'un héros. Après avoir fait l'affront au Eisenhower de l'époque de refuser de devenir son Robert Capa en couvrant les troupes sur la ligne de front, le voilà accusé de désertion et envoyé de force dans une unité de combat composée de bras cassés tout comme lui. Forts de leur propagande de l'Ange de Verdun, l'Etat major est sûr de sa victoire imminente...

Les explications livrées par le récit au court de film vont faire de ce postulat de départ une équation beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Emily Blunt une surdouée qui a vaincu des centaines de Mimics lors de son premier combat ? La réalité est bien plus mystérieuse ! N'importe quel bleusaille engoncée dans un exosquelette poutrera autant de bestioles durant son escapade Normande ? Aveuglement des militaires. Les humains vont pénétrer comme du beurre les défenses du littoral ? Et mon cul, c'est du poulet ? Les stars d'Hollywood ont toujours des rôles abusés et sont grave balaises ? Tom Cruise va crever un nombre incalculable de fois (je cherche le chiffre exact). Très malin, le scénario va progressivement lâcher les indices permettant de comprendre exactement le contexte d'assurance des humains envers leurs exosquelette, avant de proposer un nouvel horizon de vérité très mouvant, se changeant en tunnel sans fin et sans espoir... Si le héros, par un subterfuge certes SF mais très finement expliqué, cohérent et assumé, se réveille toujours au point de départ de son enrôlement forcé après avoir été tué, il va constater que son immortalité a bien des aspects de la malédiction, et que se dresse devant Tom Cruise une nouvelle Mission Impossible.

Edge of Tomorrow, c'est le concept d'un jour sans fin interprété par un Space Marine de Warhammer 40000. Bill Murray se réveillait tous les matin coincé à Punxsutawney en écoutant Sony and Cher à la radio, Tom Cruise va, à chaque fois qu'il meurt au combat (ou à l'entrainement... ou dans un accident idiot, style prix Darwin !) se réveiller à la veille du Jour J, revivre les même 24 heures d'enrôlement, d'entrainement et de combats, et capitaliser sur chacun de ses échecs pour devenir lentement un peu plus fort. Un film "Die and Retry" à l'état pur ! Ce concept est loin d'être nouveau, mais il fait partie des plus trippant qui soient- pouvoir vivre chaque jour comme s'il était le dernier- et devenir une sorte de Dieu du continium espace temps , capable d'anticiper les évènements de la journée, de corriger ses erreurs, d'apprendre à connaitre son entourage. Ici, Tom Cruise campe un lâche de première, dans un rôle encore différent et bien moins noble que celui de père de famille évitant à tout prix les tripodes de la "Guerre des Monde", offrant ici une composition bien plus égoïste et pleutre. Mais l'armée, encore plus vicieuse que lui, le force au combat, en première ligne, pour une mission suicide. Lors de son premier jour, il ne sais même pas comment retirer la sécurité de ses armes... C'est alors par miracle qu'il décroche la timbale et son statut de maitre du temps avant de se faire tuer une première fois.

La formule du jour sans fin est connue, alors le film ne traine pas sur les fondamentaux. Quitte à présenter son héros comme très rapide à la détente et ouvert d'esprit vis à vis de ce qui lui arrive, il lui fait vite prendre conscience de son emprisonnement dans une boucle temporelle, non sans disséminer quelques gags et répliques à base de "Déjà Vu", pour emprunter la route de l'aventure et de l'action. Edge of Tomorrow est bien moins drôle "qu'un jour sans fin" et beaucoup moins philosophique, mais il trace son sillon dans une autre direction, en faisant le paris de l'entourage "compréhensif", et non sans humour à l'occasion. Car l'excellente idée du film est de ne pas abandonner Tom Cruise seul face à son terrible secret. Après avoirs profité de ses premières connaissances des combats sur la plage pour sauver une ou deux fois l'Ange de Verdun, il va ainsi constater qu'elle comprend parfaitement ce qu'il lui arrive... pour l'avoir vécue elle même.... un jour passé (deux jours sans fin ? Là l'esprit commence à fumer) ! Ainsi, là ou dans "un Jour sans fin" le présentateur météo se retrouvais face à une page blanche et à un entourage à convaincre à partir de zéro chaque matin, le guerrier maudit d'Edge of Tomorrow va pouvoir zapper les explications et aller un peu plus loin chaque jour dans son interaction avec sa coéquipière et le savant fou de la caserne, qui ont compris que l'ennemi était capable de manipuler le temps, sans pour autant que celle ci ne se souvienne de quoi que ce soit le lendemain matin ! Difficile d'expliquer précisément les interactions et justification de cette relation, ce serait spolier, mais entre celui "qui a le pouvoir", et celle qui "sait ce que c'est d'avoir le pouvoir mais l'a perdu", une relation originale et riche se tisse.

Le scénario est très incrémental, composé d'une superposition de journées s'avançant progressivement dans l'inconnu de l'avenir, mais n'est pas ralenti pour autant. Sachant ne réutiliser que le strict minimum des journées passées pour resituer le spectateur et le héros face aux enjeux de son actuelle vie, le montage évite des longueur et l'ennui pour, de façon finalement étonnante, proposer beaucoup de contenu nouveau et de progression de l'aventure ! On peux ainsi découper le film en plusieurs "levels", pour conserver l'imagerie du jeu vidéo. Les premières vies perdues avant de faire connaissance de l'Ange de Verdun font alors office de prologue, les explications et l'entrainement de tutoriel, le débarquement en binôme sur la plage de 1er monde... Et si le jeu est difficile, impardonnable, il dispose aussi d'une bonne durée de vie, proposant une succession de mondes ! A chaque fois que les deux guerriers parviennent au bout de leurs horizons connus et finissent un monde, ils constatent que "la princesse n'est pas dans ce château mais probablement dans le prochain", comme dans un bon vieux Super Mario Bros, et consacrent un bon paquet de leur vie suivantes à tenter d'élaborer un autre plan d'action, courant après un nouvel objectif quotidien.

L'immortalité de Tom Cruise pourrait euthanasier le suspens et l'intérêt du film, mais là encore le scénario très cohérent permet de distiller de la peur. Son reboot d'entre les morts ne fonctionne que dans certaines circonstances, qui, si elles ne sont pas remplie, entraineront la perte de son pouvoir, et le game over définitif. Autre contrainte, Emily Blunt a bien été elle aussi immortelle fut un temps, mais elle n'a pas su conserver ce privilège et ne dispose plus, pour elle même, de continue illimités. Donc si Tom Cruise la perd en cours de route et accompli sa mission, il rentrera sans sa partenaire, traumatisme auquel il ne se résout pas après l'avoir déjà vu mourir de nombreuses fois lors de ses échecs passés. Cette équation ardue transforme le film d'action en problème mathématique au milieu du film, quand le combattant arrive aux limites des capacités de combat de son exosquelette et fini par se retrouver à poil au milieu d'une France désertique, à court d'énergie et de munitions. Comment, sans armure et avec un petit flingue mal approvisionner, poursuivre la traversée d'un pays miné d'ennemi endormis, qui n'attendent qu'un bruit suspect pour jaillir du sol et acculer les humains esseulés ? Dommage que la scène de l'hélico soit assez mal filmée, pourtant le sentiment d'impuissance est là, quand Tom Cruise a donné son maximum, s'est battu comme un beau diable, mais, encerclé, se résoud à mourir une nouvelle fois pour repartir de zéro.

Edge Of Tomorrow est un film d'action SF "intello". Suivre Tom Cruise dans son apprentissage sur le tas et devenir une nouvelle recrue légendaire est très enthousiasmant, pour les moments de bravoures que le héros fini par s'offrir après avoir commencé très faible, pour ses punchlines elles aussi affutées au fils de ses reboots, et surtout pour la prise en compte de la mouvance de l'objectif final de ces 24 heures les plus cruciales de la guerre. Malheureusement, le côté "film d'action tout court" en pâti, non pas qu'il manque de scènes d'action, mais parce que la caméra tremble, que les évènements grouillent à en devenir illisibles, surtout le bestiaire des Mimics, dopé à la caféine et que l'on a un mal fou à voir net. La scène de la grange, qui d'un point de vue scénaristique et émotionnel est forte, et filmée avec les pieds et part en cacahuète. Dommage, plus de lisibilités aurait rendu le spectacle grandiose.

Dommage aussi que les bras cassés de la compagny J ne soient pas mieux traités. Assez exposés au début du film, il disparaissent dans un milieu qui se concentre plus sur le binôme Tom Cruise/Emily Blunt, et les voir retrouver une certaine importance sur la dernière ligne droite boucle en quelque sorte la structure du film. Mais Je trouve que ce retour final reste léger, que les membres de cette équipe auraient mérité de plus de temps d'exposition lors de la dernière expédition parisienne, et de jouer un peu plus que leur rôle eternel de chair à canon. La scène final du film, très sympa relativise quand même ce constat.

A l'issus de mon premier et unique visionnage, Edge Of Tomorrow me parait énorme et brillant. J'ai cru esquisser non pas des paradoxes temporels, puisqu'il ne s'agit pas de voyage dans le temps mais de boucle se répétant, mais peut être une utilisation non optimale par le héros de sa capacité à revivre constamment la même journée. Quelques scènes à la "jour sans fin", ou le héros couard du début de film prend du bon temps en se moquant éperdument de la fin du monde, auraient pu apporter un peu de piment et d'ironie à l'aventure, mais au moment ou je tape ces lignes, je ressort extrêmement satisfait de ce long métrage. Je verrais bien l'an prochain, après un second visionnage sur DVD, si le film me plait toujours autant ou si des défauts passés inaperçus en salle me sautent aux yeux. Sinon, cet Edge Of Tomorrow pourrait s'enraciner comme un de mes films cultes du style action-SF.

Les plus:
Je kiffe les boucles temporelles
La folle montée en puissance d'un anti-héro qui fini par devenir trop classe
Le background de l'univers SF est solide et cohérent
Les exosquelettes au cœur de l'identité du film
Un blockbuster US qui filme des paysages européens
Tom Cruise et Emily Blunt très bien tous les deux

Les moins:
Caméra tremblante et Mimics sous amphétamines
La compagnie J sous exploitée
Film toujours aussi solide après plusieurs visionnage ?
Dauntless
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 5 juil. 2014

Critique lue 672 fois

2 j'aime

Dauntless

Écrit par

Critique lue 672 fois

2

D'autres avis sur Edge of Tomorrow

Edge of Tomorrow
ltschaffer
7

TOM CRUISE presents... TOM CRUISE

Il y a fort à parier que l’Histoire du Cinéma évoque un jour le genre à part entière qu’est le Tom Cruise movie. Un genre en effet codifié, souvent introduit par un légendaire « Tom Cruise presents…...

le 31 mai 2014

119 j'aime

22

Edge of Tomorrow
Sergent_Pepper
6

Tomorrow always dies

La liste des reproches qu’on peut faire à ce film est assez imposante. Evacuons tout de suite la question de son acteur principal, qui, en effet, combine les deux composantes d’un mythe assez...

le 28 juin 2014

109 j'aime

13

Edge of Tomorrow
Softon
7

Restart

S’il y a bien un film à aller voir dans cette pleine saison bourrée de blockbusters de plus ou moins bonne qualité, c’est bien cet Edge of Tomorrow de l’inattendu Doug Liman dans le registre. Il faut...

le 31 mai 2014

95 j'aime

11

Du même critique

La Bataille d'Angleterre
Dauntless
8

Tu veux qu'on en parle BoB ?

La Bataille d'Angleterre est un film de guerre oldschool, un de ces nombreux classiques tournés durant les 25 ans qui ont suivis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Ces films étaient souvent de...

le 13 oct. 2013

7 j'aime

3

Black Mesa (mod)
Dauntless
9

Back in Black... Mesa

Half Life… Je l’ai terminé 4 fois depuis 1998, et je fini toujours par y retourner après quelques années d’oublis. Ce jeu représente un véritable classique à mes yeux, et même une expérience...

le 10 nov. 2012

6 j'aime

5