Une bien belle découverte que cet obscur objet de la filmographie de Jouvet.


Afin de conserver sa mainmise sur le pétrole de Sillistrie, et financièrement lassé d’arroser les généraux qui se succèdent trop rapidement aux rênes de ce petit mais giboyeux pays, le financier parisien Chautard, aussi huileux que peut l’être son interprète André Alerme, a la royale idée de fomenter une révolution restaurant une monarchie aussi stable que favorable à ses affaires.


Aidé par un Jouvet capable de tout et ne se gênant de rien, il s’en va donc trouver la reine en exil, Elvire Popesco bien sûr, afin de mettre une couronne sur la tête de son fils, un Robert Lynen qui aurait peut-être mieux fait de ne pas grandir, ceci sans allusion déplacée à sa tragique, juvénile et héroïque fin.


Le cynisme, l’intelligence et la classe de Jouvet enrobe le tout, à travers l’éducation du petit prince, qui doit autant apprendre la langue de son propre pays que la possession des femmes, l’usage des hommes et la pratique du cheval, tout ceci étant finalement interchangeable.


Je ne connais rien de l’auteur de la pièce d’origine ni du metteur en scène de la présente œuvre, et je ne sais pas en vérité s’il s’agit des deux arguments majeurs pour vous la vendre, en revanche vous pouvez faire confiance à Clouzot concernant le rythme et la finesse du script. Quant à Carlo Rim, que je ne connaissais que comme scénariste de drame rural ou de policier marseillais, il signe ici des dialogues à peu près parfaits, tout à fait à la hauteur de ceux que Jeanson pouvait écrire pour le même interprète principal.


L’ensemble est gentiment désabusé et libertin, et évidemment totalement désuet, mais c’est pour ça qu’on y est venu, d’autant que Jouvet nous donne l’entièreté de son talent, magnanimité du sage désenchanté pour la jeunesse naïve incluse.


Si on ajoute une demi-mondaine aussi sensuelle que l’étudiante est charmante, admirablement chaperonnée par son Charpin de père, il n’y a plus guère que l’élocution navrante de Poil de Carotte pour m’empêcher de mettre 10.


Oh, et, oui, peut-être la très grande légèreté de tout ça… Mais c’est Noël.

Duan

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