Sous la chaleur écrasante du sud de l’Espagne le réalisateur et les protagonistes nous font découvrir lentement une histoire d’amour estivale et juvénile… Mais, à travers cette simple amourette se cache une histoire plus profonde et mystérieuse.

On évolue petit à petit dans les croyances et superstitions d’une Espagne sclérosée par la religion et les traditions. Les inserts de type documentaire où des femmes de la communauté sont interviewées face caméra sur leurs croyances s’enchaînent avec l’histoire principale des deux jeunes amants sous une atmosphère lourde et pesante.
Dans cette région, selon la légende, les femmes seraient soumises et dévolues au rythme des crues d’un fleuve qui déborde quelques années lors d’inondations violentes.
Dans cette zone aride où peu de choses poussent, l’eau est une valeur précieuse mais pernicieuse car elle peut tout détruire du jour au lendemain à la suite d’orages de chaleur dévastateurs.
Présente tout au long de ce long métrage, L’eau, habituellement souvent attribuée à une divinité féminine par sa capacité à donner la vie, est, ici, rapprochée à une divinité masculine qui enlèverait et sacrifierait des jeunes femmes avant leur mariage. Ainsi, selon la légende, chaque année d’inondation une jeune promise serait enlevée par le fleuve pour son bon plaisir.
C’est pourquoi, dans ce petit village, les femmes racontent de génération en génération qu’il faut se méfier du fleuve mais qu’on ne peut rien y faire s’il jette son dévolu sur une jeune fille (la parallèle avec la violence de certains hommes est facile à discerner), c’est une sorte de sacrifice nécessaire pour la communauté. Cette idée insidieuse confirme le pouvoir et l’influence des hommes dans les zones reculées de l’Espagne et n’est jamais remise en question.

Seule une famille (par ailleurs jugée maudite par la communauté) de 3 femmes seules- grand-mère, mère et fille- semble s’être détachée de l’emprise masculine. L’héroïne principale de ce film hybride est la jeune Sarah qui s’entiche d’un jeune homme revenant au bercail après une fugue à l’étranger. Un énorme mystère l’entoure et, tout au long du film, Sarah est rongée par l’amour qu’elle lui porte contrebalançant les explications vagues sur sa vie antérieure.
La lenteur du film est réveillée de sa torpeur par l’orage qui se prépare petit à petit et, avant la scène finale, la bande originale magnifique nous fait réaliser que la lumière écrasante du soleil s’éloigne petit à petit pour laisser place à une humidité moite et sombre. C’est au rythme de la musique techno que l’orage éclate et que Sarah se voit attirée par des forces surhumaines et invisibles jusqu’à ce fameux fleuve.

La scène finale nous montre ensuite toute la volonté de la réalisatrice à travers ce film. Après avoir présenté l’implacable réalité de la tradition et des superstitions, l’héroïne principale est prête à mourir car elle était complètement perdue et sous influence. Cependant lors de la dernière scène, nous la voyons en réalité sortir seule du fleuve après avoir résisté à la tentation mortelle. Son amoureux qui court à sa recherche ne compte plus. Elle n’a plus besoin de lui, elle a vaincu le fleuve, elle a vaincu les superstitions, la religion et la tradition. Elle a vaincu le patriarcat, c’est une femme libre.

Personnellement ce film m’a beaucoup plu, malgré sa lenteur. La photographie est efficace et travaillée, les acteurs sont bons et prenants (sans être exceptionnels) et le rythme est original avec les quelques passages type documentaire et vidéo «téléphone ». L’ambiance m’a ramené à mes chaudes soirées d’été lorsque je partais adolescent en vacances avec mes parents dans le sud de l’Espagne. Les relations amicales et amourseuses des protagonistes sont celles d’un teenage movie croustillant nous rendant nostalgique de nos années insouciantes.
Ah j’ai si hâte d’aller danser à une heure du matin sur de la techno lancinante et de sentir l’odeur de la poussière et du goudron chaud s’évaporer au petit matin lorsqu’un orage aura éclaté…

Créée

le 27 avr. 2023

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