Autour d'un scénario bien écrit et bien structuré, aidé par une belle photo et un très bon sens du cadrage, soutenu par la prestation bluffante de Javier Gutierrez, El Autor (pas encore distribué en France) nous apparait comme une petite oasis de fraîcheur dans le panorama - assez vide et aride, il faut l'avouer, hélas - du cinéma espagnol.
Adapté du premier livre de Javier Cercas, Le mobile, El autor en reprend la structure fragmentée, divisée en chapitres correspondant à des personnages (ou à des foyers) occupant différents étages (un procédé original mais déjà utilisé en littérature, comme par exemple dans les chroniques de l'apshalte de Benchetrit qu'il a lui-même très bien adapté au cinéma). A partir de cela, le cinéaste Cuenca réunit ces voisins s'ignorant peu ou prou grâce au protagoniste Alvaro et au livre qu'il écrit sur la réalité (voir l'excellente scène du professeur animant l'atelier d'écriture). En effet celui-ci, par une mise en abîme du travail de création, devient l'intermédiaire entre ses voisins anonymes après les avoir sagement observés, puis le manipulateur de leurs vies, tous ces êtres devenant sous sa plume personnages de son livre mais aussi de la réalité. Voilà d'ailleurs l'aspect littéraire le plus intéressant, celui d'effacer la frontière entre réalité et fiction, moins chez le spectateur que dans l'esprit d'Alvaro qui finalement, prenant au jeu son rôle d'écrivain, sombre dans un monde dangereusement trop intérieur.
Après une introduction pitoyable bercée par une musique kitsch assez insolite et une première scène assez manquée (celle du discours de l'épouse d'Alvaro), le film ne cesse de surprendre et de captiver l'attention du public jusqu'au final assez inattendu qu'il faut découvrir.