Les temps changent... mais Hawks reste fidèle à lui-même.
Pour ne pas devoir affronter son vieil ami le shérif Harrah, Cole Thorntorn refuse un travail consistant à déloger une famille. Mais c'est pour ce même ami qu'il reviendra quelques mois plus tard...
Sept ans après "Rio Bravo", Howard Hawks, alors en fin de carrière (c'est son avant-dernier film), retrouve John Wayne pour "El Dorado", film à l'intrigue similaire mais qui arrive tout de même à se détacher de ce dernier, notamment par la façon dont Hawks s'attache plus aux personnages qu'à l'intrigue en elle-même. Et quelle réussite ! Il livre là l'un des derniers grands western classique, alors mis à mal par le genre "spaghetti".
Hawks braque sa caméra sur le personnage de John Wayne qui va se retrouver dans diverses aventures, souvent lié de près ou de loin à Robert Mitchum. Trame plutôt classique mais efficace et surtout, la réussite vient des personnages et de leur consistance, tout comme l'excellente écriture (eux, les dialogues..). Ils sont ici plus vieux que dans "Rio Bravo", plus usé, parfois blessé et même alcoolique. Des personnages auxquels on s'intéresse très vite, que ce soit les deux protagonistes ou ceux tournant autour d'eux, tels les propriétaires terriens, et Hawks donne de l'importance à tous, sans en sacrifier. Mais là où "El Dorado" est aussi une réussite, c'est dans son traitement des femmes, là où Hawks s'est régulièrement montré brillant durant sa carrière et ce qu'importe le genre. Elles sont l'égale de l'homme, qu'elle soit amoureuse ou sauvage et aussi habile fusil en main.
Et Hawks sait filmer ses personnages, à l'image du retour de John Wayne lorsqu'il retrouve celle qu'il aime. Hawks donne une dimension humaine à son récit où les personnages assistent aux départs et retours des uns et des autres, avec plus ou moins de joies et de mélancolies, aux changements des uns et surtout au temps qui passe. Il prend son temps pour bien développer les personnages et qu'on s'attache à eux et à leur évolution, retranscrivant toute l'émotion et la mélancolie qui peuvent en découler. John Wayne n'a rien perdu de sa présence et de son charisme et sachant vieillir de belles manières, tandis que Robert Mitchum est d'un naturel bluffant, sachant se faire drôle et touchant, qu'il soit alcoolique ou non. Les autres interprètes, allant d'un James Caan débutant dans le cinéma à la belle Charlene Holt, savent donner de la consistance à leur personnage et bénéficie de l'excellente direction de Hawks.
Immense et magnifique western au ton mélancolique et humain, "El Dorado" voit un Howard Hawks au crépuscule de sa carrière qui observe le temps qui passe et en retranscrit toute l'ampleur et la richesse pour un film qui est très loin d'être mineur dans sa pléthorique filmographie.