"El Libro de piedra" présente des similitudes aussi évidentes que limitées avec "Les Innocents" de Jack Clayton (sorti 8 ans plus tôt), le pont entre les deux étant sans doute un peu accentué par l'écart temporel relativement réduit entre les visionnages des deux films. Mais les univers horrifiques (voire fantastiques) mexicains et britanniques sont suffisamment différents pour que la base commune aux deux, une trame introduisant une gouvernante en charge de l'éducation de jeunes enfants sujets à des troubles mentaux mystérieux, diverge sensiblement dans des directions très différentes.
Carlos Enrique Taboada s'embarque beaucoup plus clairement sur les sentiers de l'horreur gothique, à travers le personnage de la jeune Sylvia et de son ami imaginaire Hugo dont la présence semble se matérialiser, au yeux des parents, dans une mystérieuse statue de pierre perdue au fond du jardin bordant le manoir familial. La densité psychologique des personnages est un gros point faible du film et ne joue pas à son avantage dans la comparaison avec "Les Innocents", beaucoup plus versatile, bien mieux écrit, et offrant un champ d'interprétation beaucoup plus large.
"El Libro de piedra", littéralement "le livre de pierre", n'est en outre pas vraiment aidé par un talent éblouissant en termes d'interprétation. Le père de famille, personnage très présent mais relativement inintéressant interprété par un Joaquin Cordero aux muscles faciaux apparemment figés (et en ce sens très fidèle à l'affiche du film), plombe vraiment la dynamique du récit, au même titre que les dialogues assez peu inspirés ou perspicaces. Le film trouve par contre un intérêt dans l'atmosphère horrifique plutôt originale, d'une part, et d'autre part dans la galerie de portraits féminins : une fille au comportement étrange et solitaire, une épouse fragile et vulnérable issue d'un remariage, et une gouvernante volontaire, à la fois autoritaire et sensible à la cause de l'enfant.
Le ton du film est étonnant par moments, avec une certaine simplicité, une forme de sobriété narrative trouvant certains points de contraste localisés dans des symboles de magie noire par-ci (pentagramme dessiné avec du sel, résurrections animales) et un visage enfantin se faisant menaçant par-là. Le kitsch délicatement suranné de plusieurs séquences peut plaire ou au contraire rebuter, à l'instar d'une séquence sur le toit d'une église abandonnée en talons aiguilles ou d'un accompagnement musical pas toujours très à propos en matière d'effroi, mais cette candeur dans le style alimente inexorablement un sentiment d'empathie.