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L’excellent As Bestas de Rodrigo Sorogoyen ne pouvait que donner envie de se plonger dans le reste de sa filmographie, et je suis fort aise de cette décision, car El Reino, à défaut d’être magistral, est un thriller politique efficace qui évite gracieusement les ornières qui jalonnent le traitement d’un tel sujet, celui d’une corruption établie depuis des décennies dans toutes les strates de tous les organes politiques de la société occidentale. Une œuvre à la portée universelle qui ne se cantonne pas à un parti ou à l’Espagne.
Aucun bord n’est nommé, aucune personnalité évoquée, aucune ville mentionnée hormis Madrid, la corruption est sans frontières et savamment documentée par les auteurs (l'Espagne, parmi tant d'autres, étant un pays particulièrement touché par ce fléau) afin de poser une base crédible et des personnages tangibles pour un récit qui se révèle au final plus anxiogène que politique. Si la charge contre un mal qui gangrène les rouages des gouvernements est bien là, El Reino est avant tout un thriller redoutable qui ne cesse d’enfoncer Manu, notre protagoniste antipathique au possible, de plus en plus profond dans la merde qu’il s’est créé. Un homme gonflé par l’orgueil qui ne sait pas quand jeter la serviette et s’engouffre dans une spirale de mauvaises décisions dans une fuite en avant rythmée par la cadence endiablée de la musique électro de Olivier Arson et la mitraille du parlé hispanique.
Alors que les masques tombent, les vestes se retournent et les couteaux se plantent dans les dos plus vite que le marteau de la justice n’ait le temps de s’abattre. Manu est seul, délaissé de ses “amis” de circonstance, d’une famille qui ploie sous le dernier grain de riz, ou d’un avocat trop réaliste pour s’acoquiner dans une vendetta devenue trop dangereuse pour lui, et pour le système.
La joute verbale conclusive, bien qu’un tantinet naïve dans son idéalisme, finit d’enfoncer le clou, mettant tous les œufs pourris dans un même panier où détournements de fond, empires médiatiques et pouvoir se font la nique pour savoir qui schlingue le plus. Un ultime questionnement, indubitablement rhétorique, sur la conscience de ces ordures que l’on ne sait pas sur quel trottoir déposer.