" J'te préviens, j'prends jamais l'autoroute "

La rencontre est saugrenue. Yvan rentre chez lui dans sa bagnole de course et tombe nez à nez avec son cambrioleur planqué sous le lit, plus effrayé que lui. Plus tard, il ne saura pas bien expliquer pourquoi il volait, peut-être parce que c'est trop dur de le dire, peut être parce qu'Yvan le sait dès le début. Qu'importe l'un se prend d'affection pour l'autre qui a besoin de lui pour voyager. La destination importe peu, comme souvent dans les road movie, c'est plutôt le voyage qui compte. Et il est semé d'absurdités en tout genre, de rencontres aussi saugrenues que la première, de voitures cabossées et de chutes. Yvan a perdu, Yvan tente de combler quelque chose. Et si dans une scène assez hilarante un vieux collectionneur de voiture limite médium lui crie "si tu veux pas mourir, il faut marcher sur les tombes", ça n'est pas si absurde que ça finalement.

Malgré sa tendresse un peu refrénée, Yvan accompagne Ellie jusqu'au bout de son voyage, dans un lieu d'enfance, de laquelle il n'est pas tout à fait sorti, sorte de grand bambin shooté, perdu, hagard et pas futé pour un sous. Leurs dialogues sont tout entiers décalés, désenchantés et leur relation aussi improbable que touchante. Touchante parce que chacun essaye d'entrer dans la vie de l'autre malgré tout et de convaincre l'autre de continuer un voyage sans queue ni tête pour des vies sans but précis et improbable pour les mêmes raisons finalement. Ni l'un ni l'autre ne sait ce qu'il y aura après. Finalement, Yvan survie en creusant, il enfoui son passé qui lui retombe dessus tout à coup au détour d'une rue. Il marche sur un cimetière mais il avance. Il s'attache, malgré lui, il essaye mais tout entre ses doigts "comme le sable glisse". Il a, en mémoire, un voyage belge aux allures d’Amérique. Bouli Lanners filme sa Belgique comme un Far west avec de longs travellings sur le bord de la route. Il observe un paysage à perte de vue, porte un regard tendre et décalé sur le monde avec un humour à toute épreuve qui naît de ces êtres puzzle qui mis bout à bout forment un tableau bancal. Et parfois, au détour d'une pièce manquante, le film sait aussi nous émouvoir, sans s'en vanter...
eloch
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le 10 août 2014

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eloch

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