Bah mince, je me suis fait calmer sans m'y attendre. Je ne sais pas pourquoi, peut être la jaquette, mais j'étais persuadé que je me projetais un film léger, voir amusant, idéal pour passer un bon petit moment sans se prendre la tête. Le choc n'en fut que plus brutal tant l'oeuvre est tout sauf cela. D'une noirceur profonde, d'un pessimisme ambiant incisif, Electra Glide in Blue m'a scotché à mon siège par sa tonalité sans aucun compromis mais surtout par la finesse de son traitement.


L'histoire est focalisée sur un seul personnage, un policier motard aux principes durs comme le marbre qui prend son métier au sérieux et fait respecter le code de la route sans entorse au règlement. Idéalisant le monde dans lequel il évolue, cette Amérique qu'il adore, il va se rendre compte au fur et à mesure des évènements que ses convictions sont peut-être quelque peu utopiques. Ce personnage perdu, mais pourtant persuadé d'avoir la chance d'être en vie, est extrêmement touchant, la prestation toute en finesse de Robert Blake est pour beaucoup dans ce ressentiment, son air naïf et pourtant si sur de lui nous convainc dès ses premiers tours de roue. Il faut dire que la scène d'introduction pose le ton directement, entre humour cynique et illusions de grandeur, Guercio joue avec son histoire pour poser des bases solides qui lui serviront à étayer son sujet. Car ce flic intègre qui rêve d'un stetson pour résoudre des enquêtes et quitter pour de bon le bord de la route, en perdant une à une toutes ses illusions n'est rien d'autre que le cri d'un cinéaste qui semble perdu face à une Amérique en perte de repère. Les flics sont tout sauf respectables, entre le vieux routard frustré irascible ou le feignant cupide un peu simplet, le portrait dépeint par Guercio des représentants de l'ordre n'est pas brillant. Mais ceux qu'on leur oppose en terme de philosophie, cette communauté de hippies qui est censée représenter des valeurs plus légères et prôner une vie en communauté sans animosité sont également emprunts d'une noirceur qui surprend. En lieu et place des slogans d'amour qu'on leur prête habituellement, il est par exemple question de profit par la drogue et de règlements de compte à coup de bastos.


Au final, Electra Glide in Blue est une oeuvre atypique, terriblement passionnante tant elle sait surprendre pendant tout son déroulement. A noter qu'elle est accompagnée d'une bande son aux petits oignons, véritable atout charme du film. Au même titre que la photographie qui y est souvent inspirée, on sent que Guercio a effectué un énorme travail en matière de renforcement de l'image par le son, ce qui donne au film une homogénéité formelle des plus réussies. Une belle découverte, un film qui va me trotter dans la tête un bon moment, je me suis fait cueillir comme un bleu par une histoire que je n'ai pas vue venir, je recommande vivement !

oso
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le 7 mars 2014

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oso

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