Un pur produit des 70s américaines (typiquement le genre de films que J.-B. Thoret doit adorer) qui sent bon les longues routes goudronnées et les paysages de rêve comme la Monument Valley... et pas si facile à appréhender que ça. Le rapprochement avec Easy Rider (sorti 4 ans avant) est immédiat sauf qu'ici, la découverte de l'Amérique et le parcours des highways rectilignes à moto se fera du point de vue d'un flic bien droit dans ses bottes. Et au cas où le parallèle ne serait pas assez clair pour tous : Robert Blake, le héros-flic, s'entraîne au tir au début du film avec pour cible une photo de Peter Fonda et Dennis Hopper sur leurs bécanes. Difficile de cerner précisément les enjeux d'un tel film, mais le traiter de facho comme il le fut en son temps serait aussi hâtif qu'erroné. Electra Glide in Blue (je me refuse à utiliser le titre français d'une mocheté sans nom), c'est plutôt la remise en question d'un pays, les doutes et les désillusions caractéristiques des seventies abordés à travers la chronique d'un flic idéaliste et "un peu" rigide, confronté de manière volontaire mais brutale à la réalité.


Un film atypique, amer et pessimiste qui s'ouvre et se ferme sur le même type de plan : un lent passage du Noir et Blanc à la couleur (ou inversement) sur fond de décors désertiques typiquement fordiens. Un final exquis comme on n'en fait plus aujourd'hui, et qui offre une froide conclusion au rêve du protagoniste John Wintergreen. Intègre jusqu'à l'os et démesurément appliqué, il faut voir cette séquence inaugurale et presque fétichiste dans laquelle il revêt fièrement, un à un, tous les attributs du parfait petit flic. Flic, oui, mais associé à la circulation, et dont le seul rêve sera de quitter sa moto pour rejoindre les 4 roues des inspecteurs afin de résoudre lui-même des affaires criminelles. À l'occasion de la première enquête qui lui est confiée, il perdra petit à petit tous ses repères et toutes ses illusions, et on devine assez facilement derrière cela le regard désabusé du réalisateur (dont ce sera l'unique film). Gageons que la description des hippies qui y est faite, pleutres, drogués, violents et magouilleurs, n'a pas du plaire à l'époque...


Mais il ne faudrait pas trop chercher à opposer ce road movie dépressif au film de Dennis Hopper : les hippies n'y sont pas plus constructifs et les flics n'y sont pas plus sympathiques. Et c'est bien l'évolution d'un personnage authentiquement américain qui est au centre du récit et des préoccupations de son auteur. Le message est d'ailleurs clairement structuré, doté d'une charpente bien apparente en trois temps forts : 1°) fierté, intégrité et ambition → 2°) confrontation à la réalité et choc des désillusions → 3°) quête du salut et violente punition en guise de récompense. Le seul tort de John Wintergreen aura été de croire un peu trop fort et un peu trop naïvement à certaines valeurs revendiquées par sa patrie. Living the American dream...


[Avis brut #48]

Morrinson
7
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le 8 févr. 2016

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Morrinson

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