Electrick Children par Naphtaline
Electrick Children est un film étrange, qui nécessite de devoir accepter le postulat de départ : une adolescente, élevée dans un village mormon, qui se retrouve enceinte par la faute d'une chanson, par la faute du choc émotionnel provoqué par cette écoute à la dérobée. De mon point de vue, soit, pourquoi pas. Mais avis aux plus sceptiques : passez votre chemin d'office, car le film n'apportera aucune réponse tangible et certaine quand à ce point de départ.
Du reste, j'ai été totalement emportée et séduite par le film, qui a une grâce folle, une photographie à tomber, et qui surtout, a la force d'éviter des écueils de jugement. On ne s'attache pas à juger Rachel, son origine, son éducation, ses manières d'un autre temps, son analyse, sa décision. On suit son évolution, son parcours. Et si l'oeil de la réalisatrice véhicule une chose, c'est bien ce respect là. Deux jeunes mormons qui viennent s'égarer pour une quête saugrenue en plein Las Vegas et qui rencontrent une bande de marginaux, on aurait pu craindre que la rencontre soit douleureuse et faite de moqueries diverses, mais ça n'est jamais vraiment le cas. Rachel et Mr Will sont, si pas tout à fait acceptés, du moins tolérés avec une simplicité déconcertante au sein de la bande, sans qu'on leur pose trop de questions. La relation qui se construit entre Rachel et Clyde est extrêmement touchante et devient un des points forts du film : on le voit, lui, jamais moqueur donc, éprouver successivement de l'incrédulité, de la curiosité, l'envie de l'aider et le désarroi de ne pas trop savoir par où commencer, et enfin de la tendresse. Deux âmes perdues qui se trouvent, au fond. Car aussi différents soient une communauté mormone et les bas-fonds de Vegas, il y a un point commun : l'uns comme l'autre sont des milieux durs. Et pourtant, personne n'a vraiment l'air malheureux. L'ambiance ethérée et cotonneuse du film qui peut surprendre vient contrebalancer cet aspect, et évite du même coup tout misérabilisme : et ça, par le temps qui courent, c'est appréciable.
On s'attend en fait, à un film bien plus éprouvant, plus difficile, à plus de complications : finalement, c'est un voyage intiatique plutôt simple et doux. Et c'est tant mieux. D'aucuns diront que le résultat manque de prise, de construction dans le récit, de vraies réponses. Mais est-ce que c'est si grave ? En y repensant, je me disais que faire la lumière sur la grossesse de Rachel aurait détruit toute l'ambiance que la réalisatrice a patiamment construit, car c'est forcément une histoire sordide. Et parfois, mieux vaut garder un regard naïf sur les choses. Le regard de Rachel, tellement solaire et pleine d'espoir et d'attentes lorsqu'elle pose le pied en ville.