Fractures familiales et chaos narratif

On connaît Carlos Saura pour ses structures narratives peu communes, parfois éventuellement obscures, mais cela n'arrange en rien la compréhension des différentes strates du récit qui se déroule avec beaucoup d'inconnues dans "Elisa, mon amour". Le style de Saura s'identifie tout de suite, dans la manipulation de la fibre romanesque, dans l'évocation des souvenirs, dans cette façon de raconter une histoire familiale commune. On est manifestement quelque part entre "La Cousine Angélique" et "Cría cuervos...", mais il est bien difficile de savoir où l'on va. Chose étonnante : en voyant Fernando Rey dans ce film, on a l'impression qu'il a toujours été là chez Saura — alors que non, pas du tout, c'est plutôt chez Luis Buñuel — au même titre que Geraldine Chaplin. Sensation étrange.


Saura joue avec la narration directement, dès l'introduction, en faisant réciter une voix off par Rey alors qu'il semblerait qu'il soit question de Chaplin, arrivant chez son père vivant exilé dans une bâtisse isolée, après avoir vraisemblablement abandonné sa famille. Beaucoup de choses ne seront pas clairement précisées dans le film, au travers de petits trucs d'écritures comme notamment le fait que le père est justement en train d'écrire un livre / roman / autobiographie. On ne sait jamais d'où la narration se fait, et on finit par ne même plus être sûr de qui dirige les images qu'on est en train de voir : est-ce la réalité, est-ce l'imagination ou les souvenirs d'un personnage, est-ce à l'intérieur du livre ? Difficile à dire, et des ces incertitudes découle l'intérêt du film, ainsi que son potentiel inconfort.


Saura parvient tout de même à créer un récit faussement simple, mais en réalité plutôt nébuleux. La construction est très élaborée, elle n'arrête pas d'alterner entre les points de vue et les temporalités, au risque de rendre le visionnage quelque peu déstabilisant.

Créée

le 29 juin 2023

Critique lue 48 fois

1 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 48 fois

1

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11