On connaît Carlos Saura pour ses structures narratives peu communes, parfois éventuellement obscures, mais cela n'arrange en rien la compréhension des différentes strates du récit qui se déroule avec beaucoup d'inconnues dans "Elisa, mon amour". Le style de Saura s'identifie tout de suite, dans la manipulation de la fibre romanesque, dans l'évocation des souvenirs, dans cette façon de raconter une histoire familiale commune. On est manifestement quelque part entre "La Cousine Angélique" et "Cría cuervos...", mais il est bien difficile de savoir où l'on va. Chose étonnante : en voyant Fernando Rey dans ce film, on a l'impression qu'il a toujours été là chez Saura — alors que non, pas du tout, c'est plutôt chez Luis Buñuel — au même titre que Geraldine Chaplin. Sensation étrange.
Saura joue avec la narration directement, dès l'introduction, en faisant réciter une voix off par Rey alors qu'il semblerait qu'il soit question de Chaplin, arrivant chez son père vivant exilé dans une bâtisse isolée, après avoir vraisemblablement abandonné sa famille. Beaucoup de choses ne seront pas clairement précisées dans le film, au travers de petits trucs d'écritures comme notamment le fait que le père est justement en train d'écrire un livre / roman / autobiographie. On ne sait jamais d'où la narration se fait, et on finit par ne même plus être sûr de qui dirige les images qu'on est en train de voir : est-ce la réalité, est-ce l'imagination ou les souvenirs d'un personnage, est-ce à l'intérieur du livre ? Difficile à dire, et des ces incertitudes découle l'intérêt du film, ainsi que son potentiel inconfort.
Saura parvient tout de même à créer un récit faussement simple, mais en réalité plutôt nébuleux. La construction est très élaborée, elle n'arrête pas d'alterner entre les points de vue et les temporalités, au risque de rendre le visionnage quelque peu déstabilisant.