Elvis a passé la majorité des années 60 a tourné des films pas forcément mémorables à Hollywood (et encore « pas mémorables » est encore poli…), poussé par son manager le fameux Colonel Parker qui voyait dans ces films avant tout un bon moyen de vendre des disques des BO. Elvis avait de vraies qualités d’acteur qu’on ne lui a pas laissé montrer véritablement mais regardez Les rôdeurs de la plaine réalisé par Don Siegel en 1960 et vous risquez d’être bluffé par sa performance de comédien car elle est excellente. Mais voilà à force de se voir offrir des rôles inconsistants, Elvis décide de laisser tomber le cinéma pourtant très lucratif et de revenir à la musique. Le Colonel passe alors un accord avec la chaîne NBC : Elvis va enregistrer un show spécial qui va marquer son retour et qui doit être diffusé pour Noël. Le spectacle doit donc contenir les chants de Noël préférés d’Elvis interprétés en public. L’enregistrement doit avoir lieu dans les studios télé de Burbank en juin 68. Elvis, dans un 1er temps, refuse ce qu’il voit, sans doute habitué aux manipulations de son manager rarement honnête, comme un moyen pour le Colonel de faire fructifier ses propres affaires à l’approche des fêtes…Au final, tout le monde se met d’accord pour un show constitué de différentes parties mais où seront repris de grands succès du King. Une 1ère partie de plusieurs scènes réalisées en studio où Elvis interprète ses chansons en play-back (la moins intéressante car un peu surjoué y compris dans la réalisation et la figuration), comme si on cherchait à le faire encore coller au monde du cinéma qu’il avait quitté sans regret. Une 2e jouée debout en public et avec grand orchestre et une 3e jouée assise en acoustique sur une scène centrale entouré du public et durant laquelle Elvis retrouve ses vieux compagnons du début, Scotty Moore à la guitare et DJ Fontana (le bassiste originel, Bill Black, était décédé en 1965). C’est cette partie-là qui est la meilleure et de loin, on sent et on voit le plaisir qu’Elvis éprouve à rejouer ses classiques avec ses amis, les éclats de rire sont nombreux, Elvis se moquant des films qu’il a pu tourner avec beaucoup d’autodérision, la complicité est évidente entre eux alors qu’il était très tendu avant l’enregistrement : ces musiciens ont écrit l’histoire du rock à la fin des années 50 ! Bien sûr, en 10 ans, la musique a bien changé et Elvis le raconte lors d’un aparté en évoquant les Beatles, les Byrds, Dylan, tous les artistes qui ont émergé dans les années 60 et qui doivent tant au King. Le groupe s’éclate à reprendre leurs succès, le public aussi (écoutez les cris des femmes !) : Don’t be cruel, Jailhouse rock, Hound Dog, Heartbreak Hotel, Love me tender, autant de morceaux qu’il n’avait pas chanté depuis un moment. Son dernier concert remontait à 1960, une éternité dans les sixties. C’est dans cette partie « assise » qu’il reprend sa chanson de Noël imposée, Blue Christmas. Elvis y apparaît dans une forme éblouissante, vêtu d’une combinaison de cuir noir qu’il va avoir le plus grand mal à enlever après le show car il avait tellement transpiré qu’elle finissait par lui coller à la peau ! C’est cette partie qui inaugure les concerts Unplugged de la chaîne MTV avec 20 ans d’avance. Et le groupe Texas en 2001 a repris dans son clip Inner Smile toute l’imagerie de ce show, la chanteuse Sharleen Spiteri ayant elle aussi revêtue la fameuse combinaison de cuir noir. Une tenue qu’elle passera aussi durant la tournée qui a suivi à chaque fois que le groupe interprétait ce titre. Pour le final de ce show télé, le réalisateur voulait quelques mots d’Elvis pour évoquer la situation politique et sociale des Etats-Unis à ce moment-là. Elvis avait en effet très touché par l’assassinat de Martin Luther King. Mais là encore, opposition immédiate du Colonel qui souhaite que ça se termine par une chanson de Noël…On fait alors écouter un nouveau morceau à Elvis et même si le Colonel est contre, c’est cette chanson que le King choisit pour conclure de la plus belle des manières son retour sur le devant de la scène. Elle s’appelle If I can dream et elle est magnifique. Plus que tous les discours, c’est un chant d’espoir qu’Elvis interprète avec une voix sublime, une émotion et une puissance phénoménales, debout en costume blanc avec son prénom écrit en énormes lettres lumineuses rouges derrière lui. Il ne lui reste plus qu’à conclure par un simple « Merci, bonne nuit ! » puisque les choses sont dites. Un show de 50 mn qui a remis Elvis au sommet du rock, l’album qui en a été tiré a été un énorme succès. Elvis a continué sur sa lancée avec la sortie en 1969 de From Elvis in Memphis, un de ses meilleurs albums et les tournées aux Etats-Unis allaient reprendre pour le plus grand plaisir des fans. Dans ce coffret 3 DVD magnifique, on a les différentes parties du show avec les différentes prises des morceaux, y compris les faux départs, les ratages. Il faut donc réserver ces heures d’enregistrement aux nombreux fans assidus et complétistes mais il y a de quoi se régaler et on ne peut qu’être ébloui par les 3 prises de If I can dream (la 3e a été gardée pour le show). Et sur le DVD 1, on possède enfin l’intégralité des concerts acoustiques surnommés « Black leather sit down » enregistrés les 27 et 29 juin 68. Rien que ces moments-là sont à rugir de plaisir ! Don’t worry, the King is back for good !