Killing Zem softly
Cela fait plaisir de revoir Florent-Emilio Siri aux manettes d'un film d'action. Pensez-donc, cela fait plus de vingt ans qu'il nous a livré le formidable Nid de Guêpes, et à peine moins longtemps...
le 17 juil. 2024
8 j'aime
Les vieux réflexes chauvins nous poussent à soutenir et à aimer cet Elyas, qui signe le retour de Florent Emilio-Siri, ancien fils prodigue du genre, au film d'action français. Un élan d'adhésion qu'on est d'autant plus enclin à suivre que le genre a connu de belles réussites ces dernières années : Farang et surtout le diptyque Balle Perdue. La volonté de faire le pont entre les polars des années 70 et John Wick, avec en plus un hommage à Splinter Cell, licence de jeux vidéo sur laquelle Siri a travaillé, fait également plaisir. Ajoutons à cela la promesse de voir Roschdy Zem botter des culs, n'en dites pas plus et prenez mon argent.
Sauf que Roshdy Zem ne fait pas tout.... enfin si, il fait presque tout dans Elyas tant son charisme survole tous ses partenaires de jeu, qui paraissent bien fades en comparaison. Ce qui amène un autre problème : à côté de lui, les personnages n'existent que très peu mais face à lui, c'est le néant. Une menace intangible et mais surtout impersonnelle, avec une absence totale d'enjeux.... que l'on pourrait pourtant penser énorme vu l'ampleur que prend la petite vendetta d'Elyas sur la fin.
Mais le vrai problème du film vient de sa forme. On peut pardonner les élans sur-saturés et sur-contrasté de la photo, on se croirait parfois dans un reel instagram quand on est en extérieur mais c'est pour pinailler. On tiquera un peu plus sur la manie de Siri de coller des travellings tout le temps lors de la première moitié. C'est ce qu'on appelle le "mode automatique hollywoodien" quand on a peur d'ennuyer le spectateur.
Mais c'est surtout le montage qui pose problème. Narrativement d'abord, il n'y a que lors de l'introduction du film que l'on prend le temps de vraiment poser une ambiance (avec l'utilisation assez géniale du son du marlin qui se synchronise avec la musique pour appuyer la paranoïa du personnage), par la suite on a une cascades d'éléments qui sont envoyés, utilisés et zappés presque aussitôt. Une compression elliptique qui ne servira même pas à appuyer les pertes de repères du héros puisqu'elle se poursuit même quand il a l'esprit plus clair ou dans des situations aussi banales qu'ouvrir une porte pour aller dans la pièce d'à côté.
Dans l'action, ensuite, où on retrouve cette même sensation d'ellipse permanente à grand renfort de raccords au pifomètre, dans un empilement de plans serrés répétitifs, qui empêchent vraiment d'appréhender l'espace et/ou l'ampleur des scènes. Il y a des séquences très réussies, comme celle du camping-car, où Roschdy Zem la joue comme la synthèse de Lee Byung-hun et Choi Min-sik dans J'ai rencontré le diable. Mais ce genre de moment reste trop rare. Le reste du temps on a vraiment l'impression que c'est surtout un cache-misère pour des chorégraphies approximatives. Faute de temps, faute de moyen, faute de compétence martiale... peut-être un mélange des trois. Le final, par exemple, fait d'avantage penser à un stathamerie random du samedi soir qu'à autre chose.
Farang, et pourtant ça me coûte beaucoup de dire du bien de Xavier Gens, avait pour lui son hallucinant crescendo dans la barbarie, héritage bien digéré du travail du réalisateur aux côtés de Gareth Evans sur Gang of London (série plus que médiocre sortie de certaines scènes d'action vraiment géniales). Elyas n'arrive jamais à pousser ses curseurs aussi loin.
Balle perdue 1&2 avaient pour eux un grand soin dans l'exécution chorégraphique de ses bastons, parfaitement restituées par une mise en scène et un découpage clairs, s'appuyant sur quelques idées visuelles fortes. Elyas n'arrive jamais à produire ce degré de rigueur.
Malgré l'envie, malgré Roschdy, Elyas rejoint les rangs des productions d'action interchangeables et anonymes, qui nous font passer un moment sympathique mais parfaitement oubliable.
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le 8 nov. 2024
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