Si l'on devait recenser les pires passages de l'histoire du cinéma, nul doute que la disparition de la quasi totalité des oeuvres mettant en scène Theda Bara en serait un. Celle à qui l'on offre le titre de première vamp de l'histoire du Septième Art se fit connaître pleinement dans Cléopâtre, film hélas aujourd'hui disparu. Il me tardait alors de voir une de ces oeuvres chanceuses à avoir su nous parvenir en bonne et due forme. Mais autant dire que la douche est aussi glacée que l'azote liquide dans ce film qui n'a finalement pas grand chose à sauver.
D'ailleurs, il nous est impossible de trop s'éterniser en critique (un comble pour moi qui aime asséner les lecteurs malchanceux sous des tonnes de parpaing littéraires). "A Fool There Was" est l'archétype même du brouillon scénaristique que l'on aurait rédigé un soir sur un petit papier au bord d'une table avant de le développer davantage. Le récit est pour ainsi dire embrouillé, peu inspiré et dynamité par un montage incohérent qui nous fait vite perdre le fil de nos idées. En lui-même, le scénario n'est pas fondamentalement du revu si on se place dans le contexte de l'époque où les concepts de femme fatale et de sex-symbol commencaient à faire leur petit bonhomme de chemin. Pourtant, malgré une intrigue des plus banales, la sauce ne prend pas à cause de sa maladresse record d'écriture.
Esthétiquement parlant, jamais Powell ne nous donne le plaisir visuel de la belle image. Il n'y a ni grandeur, ni volonté de scotcher les rétines des cinéphiles. Et j'ai remarqué ça à plusieurs reprises en m'aventurant dans les années 1910 qui est une décennie qui a eu tout le mal du monde à traverser le temps, contrairement aux années 20.
Bref, comme je vous l'ai dit, il n'y a pas grand chose d'autre à citer et c'est d'autant plus dommageable au vu de l'aura de l'actrice principale qui est plus ou moins la seule chose d'intérêt, quand bien même nous aurions aimé qu'elle soit plus sublimé. C'est donc une double tragédie comme conclusion : d'une part, la destruction de la carrière de Bara, d'autre part la survie d'une création indigne d'une personne de sa trempe. "A Fool There Was" est bel et bien le plus mauvais film muet que j'ai vu jusqu'à présent.