Le documentaire prend place en République Démocratique du Congo, 50 ans après le départ des belges, un pays fier de son indépendance mais aussi sous pression qui doit faire face à une démographie explosive (triplement de la population en 40 ans) avec une singulier besoin d'infrastructures et de développement économique à la suite d'un lendemain de décolonisation marqué par les guerre civiles.
De l'autre côté le colosse chinois, désireux de réduire sa dépendance à l'Occident en s'ouvrant de nouveaux marchés et nourrir son appétit en ressources naturelles, voici pour le contexte, passons au contenu.
Empire of Dust sous ses apparences de documentaire sans prétentions c'est d'abord un choc culturel filmé, la rencontre entre la nonchalance rêveuse congolaise et le pragmatisme discipliné chinois dont les avatars sont Eddy, un congolais paisible et bien bâti officiant en tant que traducteur pour la CREC et Lao Yang, un chinois d'une quarantaine d'années râleur et tenace devant assurer la logistique des travaux.
On se retrouve donc avec un duo très attachant qui navigue d'un problème à l'autre, entre négociations, système D, remontrances, bref un ensemble situations très sérieuses qui pourtant tournent souvent au comique.
Mais le cœur du documentaire se déroule lors des discussions entre Lao Yang et les entrepreneurs locaux, on constate l’exaspération du chinois face au manque de fiabilité et à l'inefficacité de ses partenaires à laquelle fait face la méfiance des congolais, anxieux de se retrouver à nouveau sous domination étrangère, de redevenir un colonie alors qu'un semblant de paix vient à peine de s'installer dans la région après 40 ans de violence.
En toile de fond se cache également un dernier acteur, vous ne le verrez jamais directement car il est parti il y a maintenant plus d'un demi-siècle mais qui pourtant ne cesse de revenir inlassablement dans la discussion, car tel un fantôme il hante les bâtiments, les routes, les chemins de fer et la langue: c'est le belge, l'européen, le blanc.
Lao Yang, d'ailleurs, lorsqu'il croise cet héritage colonial y expose son incompréhension à laquelle seul le silence gêné d'Eddy répond.
Si la colonisation belge d'autrefois a été particulièrement violente, un mariage forcé et schizophrénique entre massacres et "mission civilisatrice", aujourd'hui l'alliance entre la chine et la Congo ressemble d'avantage à une union de raison, ouvertement intéressée mais aussi beaucoup plus paisible bien qu'il soit encore trop tôt pour savoir si elle sera fructueuse à la population ou si elle ne servira que de vulgaire moyen d'enrichissement pour les élites congolaises.
En tant qu'européen on ne peut se retenir d'être curieux face à ce nouveau couple inédit dans l'histoire, l'Afrique Noire n'ayant jamais connu autre chose que l'arabe et l'européen, on y voit déjà certains idéologues occidentaux hurler au néo-colonialisme chinois, faisant d'ailleurs toujours fi du principe de réalité, projetant leur propre "culpabilité du blanc" pour finalement donner des leçons de civilisation à Lao Yang et ses confrères, on goûtera l'ironie de la situation.
Au final Empire of Dust est un documentaire modeste, sympathique et éclairant sur cette nouvelle relation entre l'Afrique et la Chine.