L’un et l’autre sont dans la force de l’âge, dans la “saison” des grands rêves. Ce sont des jeunes pères attentifs et aimants, dépositaires d’histoires familiales fortes. L’un c’est un patron, l’autre un employé. Le père de l’un a longtemps travaillé pour le père de l’autre.
Le cadre est posé. La santé du bébé de l’employeur semble fragile et incertaine. La toute jeune fille de l’ouvrier aime bien monter à cheval avec son papa et sa « destinée » marquera le film jusqu’à la dernière séquence.
Le patron prend la relève de son père, riche producteur et exportateur de soja vers l’Europe. Et il est soucieux, faute de personnel, pour conduire les engins agricoles et terminer la récolte. L’employé, tout en rêvant de gagner la course traditionnelle à cheval, accepte, même sans permis de devenir tractoriste.
L’accident de travail arrive et l’héritage (de ce dont chacun est dépositaire) va être bouleversée.
Tout ceci dans le décor naturel, puissamment filmé de l’Uruguay, proche de la frontière avec le Brésil. Troisième film de Manuel Nieto, (sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes), qui nous prend par la densité de l’histoire, la tension, l’action, presque d’un ‘’western’’... Et également par la prise de vues et le jeu des acteurs des deux principaux protagonistes subtilement dirigés, dans des silences bienvenus auxquels se prête leur confrontation et leurs regards.
Film sans ‘’discours’’ sur la lutte des classes, mais qui dévoile avec acuité la réalité de la ‘’distanciation sociale’’... Il y a bien de la "différence" de classe dans la dramaturgie mais aussi "différence" au générique. Du côté de l’employeur ce sont des acteurs professionnels, de l’autre côté des non-professionnels, issus de la région de tournage, comme un parti pris pour "différencier" les deux mondes.
Pour tout ça, raconté avec force, justesse et sans jugement, un film qui laisse trace!