Le clivage entre les classes sociales est une thématique très présente dans le cinéma latino-américain et au cœur de El empleado y el patron, troisième long-métrage de l'uruguayen Manuel Nieto. Situé à la frontière avec le Brésil, le film confronte en milieu rural deux jeunes hommes héritiers de leur condition, employé et patron, dont les relations cordiales et presque amicales sont remises en cause par un accident tragique. De manière subtile et progressive, le récit fait monter une tension sous-jacente qui s'exprime aussi à travers les compagnes respectives des deux personnages principaux, toutes les deux jeunes mères. Le film, surprenant par ses ellipses, s'aventure sur les rives du thriller voire du western gaucho, avec une course de chevaux au long cours, en point d'orgue. Avec peu de dialogues et des accents naturalistes, El empleado y el patron ne semble juger aucun de ses protagonistes, faisant même de son employé un garçon mutique, difficile à déchiffrer, entre sa lucidité vis-à-vis de son statut "inférieur" et des indices d'une révolte possible. Le rôle est joué par un comédien amateur remarquable, Cristian Borges, dont les scènes avec Nahuel Pérez Biscayart, toujours excellent et crédible, donnent le ton à un film qui joue parfaitement avec les éléments psychologiques d'un drame au grand air, imprévisible et complexe.