Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un faux western et un vrai drame psychologique à plusieurs entrées, somptueux dans sa forme et délicatement ambigu sur le fond. La première heure du long-métrage, d'un alanguissement magistral, laisse s'interroger sur son véritable sujet qui semble pouvoir être aussi bien la transmission que la solitude, la virilité ou la fraternité. Patience, tout n'est que densité et intensité dans la deuxième heure du Pouvoir du chien alors que les relations entre les 4 personnages principaux se tissent et s'enrichissent, tout en gardant une part d'ombre. Jane Campion décrit à la perfection l'homosocialité d'un grand ranch du Montana, au milieu des années 20, et la splendeur d'une nature qui réduit les hommes et les animaux à ce qu'ils sont, des figurants souvent pathétiques, dans une mise en scène digne de celle de Terrence Malick dans les sublimes Moissons du ciel. La masculinité toxique, qui est celle de l'entier 20ème siècle, est montrée au sein de ce microcosme rural sans nécessité d'avoir recours à une violence frontale. Paré de nuances et d'ambivalence, le film se déploie avec une ampleur infinie, fruit d'une combustion lente et néanmoins ardente. Benedict Cumberbatch, qui brille comme un astre noir, domine sans l'écraser une distribution éclatante : Kirsten Dunst, Jesse Plemons et Kodi Smit-McPhee, dont l'interprétation n'est pas la moins fascinante. Chère Jane Campion, pour le bonheur des cinéphiles, il serait souhaitable que vous attendiez bien moins qu'une décennie pour nous émerveiller à nouveau de votre talent !