Empty Quarter est un film de Raymond Depardon, sorti en 1985. Il s’agit du premier film dit de fiction réalisé par Depardon au sein d’une filmographie qui compte en majorité des documentaires. Cette œuvre raconte l’histoire d’un homme qui tombe éperdument amoureux d’une femme alors qu’il est en voyage à Djibouti. Lorsque les deux personnages de l’œuvre finissent par se rencontrer, ils décident de voyager ensemble dans une grande partie de l’Afrique.

Tout d’abord, il est intéressant de noter que le personnage principal est unique en son genre. En effet, nous ne le voyons jamais, par contre nous l’entendons grâce à l’utilisation du procédé de voix-off, voix-off qui nous guide tout au long du film. C’est d’ailleurs Depardon qui prête sa propre voix au narrateur. Celui-ci nous fait partager ses rêves, ses observations, ses souvenirs, ses pensées érotiques à l’encontre de la femme. Il est d’ailleurs important de préciser qu’il n’existe aucun voile, c’est-à-dire que le narrateur nous livre explicitement tout ce qu’il a à dire. Dans cette œuvre, le temps n’a plus vraiment d’importance : la pensée de l’homme vagabonde au gré de ses réflexions et la voix-off en est la caisse de résonance. Les écarts entre les prises de parole du personnage principal et les longs silences sont inégaux et de durées sporadiques.

D’ailleurs, dans tout le film, c’est en effet bel et bien de regard qu’il s’agit. La voix-off serait donc l’expression sonore de ce regard, en admettant que ce regard regarde « à distance » et « reconstitue » des bribes de moments vécus dans un contexte en partie fantasmatique. Les plans sont essentiellement subjectifs et permettent une totale immersion dans le dialogue avec la femme. Enfin, le fait que le narrateur ait peu de contact avec la femme et se mette la plupart du temps en recul semble le placer hors de la diégèse, de l’histoire et donc ne pas appartenir à l’univers que l’on voit. Il reste en marge, comme peut l’être le spectateur. Néanmoins, celui-ci indique qu’il se trouve en voyage, et cette posture (intimité-distance) lui évoque ses propres souvenirs. La distance lui permet un retour autobiographique. C’est sur cette contradiction que le film se construit. En tous les cas, on s’accorde à considérer le personnage principal comme l’intermédiaire entre nous spectateurs et la femme sur qui notre intérêt repose.

Il y a peu de mouvements de caméra, plus précisément, aucun mouvements complexes. La majorité des plans sont fixes. Depardon cherche ainsi à concentrer notre attention sur ce qui est présent dans le champ, ne laissant pas de place au hors-champ et donc à notre imagination. Ainsi, comme l’esprit du narrateur, nous sommes focalisés sur cette femme et ses errances. Et le fait de ne jamais voir le personnage principal augmente l’attention que l’on porte à la femme. Cet élément tendu vers l’aspect réel et centré sur un sujet quelconque appartient au style documentaire. Par ailleurs, si ce n’est l’attirance du narrateur envers la femme, le film ne contient pas vraiment d’actions ni de rebondissement, il possède juste quelques éléments qui ne sont pas mis en valeur par la lenteur de la mise en scène. Nous entrons ainsi dans une ambiance sobre, dépourvue d’artifice comme dans une œuvre digne du Cinéma-vérité. Enfin, le voyage soi-disant amoureux dans toute l’Afrique n’est qu’un prétexte pour apprécier des lieux exotiques.

Du point de vue sonore, les sons correspondent à des bruits provenant de l’extérieur sinon la bande originale se résume à la voix du narrateur, rappelant les commentaires des documentaires dont ici, la femme devient le sujet principal. Le narrateur ne s’exprimant qu’en voix-off et la femme s’adressant directement à la caméra, les deux personnages ne parlent jamais directement l’un à l’autre. Il n’y a pas de musique extradiégétique comme si Depardon tenait à nous toucher sans avoir besoin de l’artifice musical. Minimisant le nombre de personnes à deux, l’histoire de cette relation entre l’homme et la femme devient un documentaire sur les sentiments amoureux en général. Il s’agirait donc plus d’une expérience filmée - comme d’un journal-filmé propre au cinéma expérimental - que d’une œuvre de fiction proprement dite.

En définitive, de par le sujet, les choix opérés et les procédés employés, Depardon signe une œuvre personnelle qui confond le désir de glisser vers la fiction et le besoin de rester accaparé par le réel, œuvre qui fascine le spectateur sensible.

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le 20 févr. 2015

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Ikarovic

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