Par principe, tous les films venus de pays où la production cinématographique est vacillante devraient être défendus. Parce que c’est une force du cinéma : faire entendre une pluralité de voix, faire coexister les points de vue, déployer des visions du monde qui ne sont pas les nôtres. Et si le spectateur français a la possibilité de savoir de manière assez nuancée comment les Américains, les Français voire quelques Européens et Japonais appréhendent le monde, les films venus d’ailleurs ont du mal à se frayer une place jusqu’à nos salles de cinéma.
Alors, il était doublement important pour moi d’aimer En attendant les hirondelles : 1) c’est le premier long métrage de son réalisateur (second principe : défendre les premiers films pour que leur auteur puisse confirmer, infirmer, nuancer, approfondir leur pensée et leur art), et 2) c’est un long métrage de fiction algérien (où produire un film est un parcours du combattant)
Et heureusement, je n’ai pas eu à me forcer pour aimer ce film.
Ce film se présente comme une chronique sur l’Algérie d’aujourd’hui, racontée à travers le parcours de trois personnages. Leurs trois histoires font penser à des nouvelles de Tchekhov : des histoires aporétiques dont l’intrigue compte moins que le sentiment qu’elles laissent et que les lieux qu’elles montrent.
Le sentiment qu’elles laissent : le réalisateur filme ses personnages avec sensibilité, justesse et sens de la nuance. Certes ils ne sont pas toujours glorieux, mais ne sont jamais tout à fait lâches, jamais tout à fait orgueilleux.
Mais de beaux sentiments s’expriment aussi dans le film, notamment grâce au couple d’ex-amoureux (la deuxième des trois histoires, la plus charmante), croqué avec beaucoup de tendresse.
Finalement, si on peut reprocher au film de surtout représenter les états d’âme d’hommes et de bourgeois (ce qui ne me dérange pas plus que ça : le réalisateur parle sans doute de ce qu’il connaît ; on ne peut pas tout dire en un film), il caresse l’universel et dégage un sentiment d’humanité, qui est celle de ses personnages.
Les lieux qu’elles montrent : là où le film impressionne, c’est qu’il dresse avec finesse la cartographie du territoire algérien. Finesse au sens de précision, puisque le film convoque une diversité (étonnante !) de lieux ; finesse au sens de douceur, puisque ces lieux sont filmés avec la même tendresse que pour ses personnages : on ne trouve pas cette image « sale » propre à tant de films magrébins, mais au contraire une image léchée et colorée. Certains de ces lieux sont beaux (magnifique campagne), d’autres sont bourgeois, mais l’Algérie n’est pas pour autant montrée dans une vision édulcorée : des lieux durs, déshumanisés sont aussi convoqués (il y a quelques plans frappants où le premier personnage erre en banlieue, minuscule au milieu d’immeubles géants et laids).
La voiture est d’ailleurs le motif central du film : elle permet de passer d’un personnage à un autre, participe à les caractériser, et surtout, permet de se balader d’un lieu à un autre.
A la fin du film, le spectateur est presque fatigué de ce road-trip, mais charmé : il a été promené, il a (re)découvert l’Algérie telle qu’elle est.