Il y a de très bons films qui abordent la question des inégalités entre les hommes et les femmes, mais ceux explicitement et lourdement « féministes » m’ennuient en général un peu ; et ce film ne fait pas exception. Surtout qu’il n’est pas si féministe que ça.
Le film oublie le principe du « show, don’t tell » : la puissance du cinéma est dans ce qu’il montre plutôt que dans ce qu’il raconte verbalement.
Or, que nous disent les dialogues ?
• Que Billie Jean King est une femme formidable, qu’elle fait avancer la cause des femmes et du féminisme, qu’elle lutte contre le patriarcat, etc.
• Que Bobby Riggs est un infâme macho, qu’il est un plouc et le roi des « male chauvinist pigs ».
Et que nous montrent les images ?
• Une Billie Jean King le plus souvent immobile, assise en train de se faire coiffer, couchée auprès de son amante, malade dans son lit.
• Un Bobby Riggs le plus souvent en mouvement, survolté et bondissant, avec son fils, sur le court et partout ailleurs.
Et même si les mots sont là pour nous rappeler que Billie Jean King est une femme incroyable et Bobby Riggs un sale type, la première est ennuyante et le second est attachant.
Je comprends l’envie de ne pas sombrer dans le manichéisme, et donner des raisons d’aimer Bobby Riggs : après tout, il n’est pas vraiment un macho, mais plutôt un cynique qui profite du système et des mentalités pour se faire mousser.
Mais le film, et l’interprétation de Steve Carell, en font plutôt un gamin, un personnage sympathique et fantasque maladivement à la recherche de la sensation et du plaisir.
Mais pourquoi Billie Jean King suscite si peu d’intérêt, alors que son combat est extraordinaire ? Tous les personnages secondaires (son mari, sa coiffeuse, et même son couturier) semblent plus intéressants qu’elle.
Je pense que le film accorde certes trop de temps et de place à Billie Jean King (au détriment de Bobby Riggs qu’on ne voit pas assez), mais surtout nous la montre mal : ce n’est pas ses tergiversations sentimentales que j’avais envie de voir, charmantes au début, mais qui tournent vite en rond, mais son combat, son opposition à la ligue professionnelle, et surtout, cette fameuse « battle of the sexes » dont il n’est question que dans le dernier tiers du film.
Finalement, le film est maladroit, machiste malgré ses bonnes intentions : il accomplit l’exploit de rendre son héroïne passive et ennuyante* en face d’un opposant rocambolesque et attachant.
*L’exploit est double : Billie Jean King est une femme passionnante, et je suis très amoureux d’Emma Stone.