"En cloque, mode l'emploi", certes un peu moins réussi que "40 ans, toujours puceau", permet d'abord de vérifier qu'il y a bien "un ton Judd Apatow", entre la verdeur revigorante de dialogues aussi crus que finalement terriblement ordinaires et la description minutieuse du quotidien d'une Amérique bas du plafond qui a finalement peu accès aux honneurs du cinéma hollywoodien. On a le droit de trouver cela tout-a-fait trivial et sans intérêt, d'autant que la longueur du film compromet clairement le rythme comique, et que de nombreuses scènes ne cherchent absolument pas à nous faire rire, ni même sourire. On peut au contraire trouver passionnante cette attention soutenue portée aux crises minuscules mais pourtant essentielles de notre vie à tous.
Il faut donc plutôt regarder "En cloque, mode d'emploi", cette nouvelle comédie pas vraiment drôle comme Apatow en est devenu le spécialiste quand il décide de mettre en scène ses idées au lieu de les confier aux autres, comme le journal d'un couple face aux tracas, aux angoisses, aux séismes (il y en a même un vrai !) de la grossesse. Laissons ainsi de côté la bande de geeks canadiens avec leurs perversions infantiles, ils ne servent que de contrepoint un peu facile à ce récit largement dépressif de l'entrée dans la vie adulte : apprendre à changer par respect pour l'autre, perdre ses illusions adolescentes pour pouvoir bosser et rapporter de l'argent à la maison, se contenter de la vie quotidienne comme unique raison de s'émerveiller… Un programme de maturité qu'on peut qualifier de réactionnaire - certains l'ont fait - mais qui a le mérite d'un certain courage.
Comme toujours, le meilleur chez Apatow, c'est le mélange de trivialité assumée (pas pour choquer le bourgeois comme chez les Farelly, mais parce que la vie c'est comme ça, trivial, un peu sale) et d'inspiration chez ses acteurs portés par une énergie positive qui contamine agréablement même les scènes les plus cafardeuses.
Au final, "En cloque, mode d'emploi" nous fait revivre peu ou prou nombre de situations par lesquelles nous sommes passés, et ce n'est pas le moindre de ses charmes, er s'avère donc finalement l'un des rares films américains récents qui, derrière sa drôle de vulgarité, nous parle un tant soit peu de notre difficulté à vivre.
[Critique écrite en 2008, 2012, et mise en forme en 2018]