En guerre réussit le prodige de parler pendant près de 2 heures des politiques de délocalisation sans jamais mentionner le mot "Europe", qui a légalisé de par son principe de libre circulation les délocalisations. Il n'y a que des salauds de patrons et d'actionnaires qui veulent faire encore plus de profits, ainsi qu'un Etat qui refuse d'intervenir sur des questions de gestions de grands groupes (mais pourquoi donc aurait-il les mains liées ?). Une charge totale du capitalisme et du libre marché, qui en profite pour glorifier le syndicalisme et la négociation entre salariés et patronat. Le bourrinage de cet encensoir de la CGT en devient surréaliste avec sa musique tonitruante quand on constate le décalage avec la réalité d'une telle vision, où la CGT n'a jamais pu obtenir autre chose que des compensations pour les multiples licenciements de délocalisation qui ont lieu dans nos pays développés depuis. Car comment lutter légalement quand des entreprises nationales sont achetables par des groupes étrangers et que la délocalisation est parfaitement légale ? Ça va bien de cracher sur ces sales riches de patrons, mais ils n'enfreignent pas la loi, et leur point de vue économique est pleinement justifié et cohérent dans le système moderne de stabilisation des marchés et de rentabilité maximale. Ainsi, on nous montre du blabla pendant deux heures, mais on sait que c'est purement inutile et que le véritable problème n'est même pas nommé. Pour dénoncer le mépris de classe et le capitalisme prédateur, ça, il y a du monde (on va racoler le public de gauche et de Ruffin), mais pour analyser la situation en dehors du prisme prolétaire, plus personne. Car le film stérilise également tout processus de révolte, pourtant légitime ici. Il nous montre la solution d'un dialogue social... qui ne s'applique déjà plus dans le contexte d'une économie mondialisée et où la rentabilité n'est même plus un gage de satisfaction. Il condamne les casseurs et les mouvements de violence, en restant assez sobre sur les répressions policières. Difficile de ne pas faire de comparaisons avec ce que vivent les gilets jaunes.
On s'ennuie donc poliment dans ce film qui ne sert à rien, sinon à nous faire partager la situation de ces employés pris en otage et forcés de se résigner. Préférer se répandre dans les querelles de classes sans identifier les causes réelles du problème (marché commun, groupes internationaux), c'est perdre son temps. On a beau s'émouvoir et pleurer, ça ne change rien à la dynamique, à ceux qui l'ont mis en place, et ceux qui la défendent (en privatisant les services publiques par exemple, afin d'ouvrir de nouveaux marchés à la concurrence).
Un peu de lecture pour les non convaincus :
http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/decryptage/2017/11/15/29002-20171115ARTFIG00259-la-pologne-terre-d-accueil-des-delocalisations.php