"C'est la réalité". Voilà ce que je lis dans la plupart des critiques et je trouve que c'est assez intéressant. C'est un constat erroné évidemment, le réalisateur possède une sensibilité et l’exprime dans un film qui est par essence subjectif. Mais ce que j'entends c'est plus "on voit enfin la réalité qu'on voulait voir". Ce qui est je pense d'autant plus riche pour un film qui fait la propagande (ce mot n'a aucun apriori négatif dans ma bouche) du militantisme réformiste et de cogestion de la CGT.
Le film montre de très belles choses qui ont besoin d'être dites plus souvent comme le fait de critiquer le corporatisme (le patron qui fait croire qu'il est "dans le même bateau" que les salarié-e-s) , le mépris de classe ou le syndicalisme de cogestion type CFDT.
Hélas le film tend à montrer la CGT et le syndicalisme comme un outil de lutte formidable. Il se garde bien d'évoquer le sexisme de l'organisation, son racisme ou la répression qu'elle mène contre les révolutionnaires, sans parler de l'existence d'une CGT Police (la violence de la police est d'ailleurs ici aseptisée au possible, se limitant à du pousse-pousse.)... L’État va trembler avec tout ça...
De plus, si la performance de Lindon est plus qu'honorable, je suis toujours dérangé par le fait de mettre l'accent sur "le porte-parole", disons le, le chef, qui est ici montré comme un héros tellement bon avec ses petits défauts mais qui à mes yeux est surtout un connard de stalinien qu'on ferait mieux de dégager des luttes au même titre que les traitres co gestionnaires.
On y encense l'organisation stalinienne de ce syndicat qui étouffe l'éthique révolutionnaire et les individus, voire même des groupes (quand par exemple le chef empêche ses troupes de gueuler sur les CRS ou les patrons...) pour faire de la "lutte intelligente", sous entendu de la lutte de négociation (le film insiste assez lourdement sur l'importance de la promesse du patron). Le film ne critique à aucun moment la valeur travail et on dirait presque que c'est génial de se lever tous les matins pour aller à l'usine. Si défendre son emploi dans une perspective d'urgence est compréhensible, la façon qu'à le film de n'apporter aucune critique du travail est terriblement contre-révolutionnaire. Le rapport aux médias est d'ailleurs assez parlant: la CGT utilise les médias et la télé, elle est pleinement intégrée au jeu médiatique, elle offre un spectacle mais pas de contenu théorique construit. En définitive, la lutte cégétiste, c'est l'achat de la soumission. C'est la pacification de la rage anticapitaliste et anti-autoritaire.
On note aussi que toutes les formes de luttes autonomes sont complètements écartées du long-métrage. Le passage où le film associe "abruti" "provocateur" et "casseur" est assez énervant..
J'avoue que la scène où le PDG se fait défoncer est très chouette on aimerait en avoir plus, même si c'est dommage que ça ne semble pas être vraiment encouragé parle propos du film..
La fin du film, sil elle est touchante ne sert qu'à faire du grand chef un martyr et à renforcer la sacro-sainte autorité qu'on lui avait donné.
Le film contribue ainsi à la pacification sociale qui ronge les classes populaires conscientes politiquement.
C'est bien réalisé mais politiquement, en tant qu'anarchiste et révolutionnaire, je trouve que c'est lamentable et dangereux.
Pour en finir avec toute autorité: A bas l’État, les flics et les patrons !