Personne n'est sans ignorer ce qu'il se passe aujourd'hui, ce qu'il se passe à l'heure actuelle. Aller voir "En guerre", c'est savoir à quoi s'attendre, en tout cas pour ma part. De manière générale, ce n'est pas le genre de films que j'affectionne particulièrement notamment à cause des images dont les médias nous abreuvent sans répit. Le sujet nous est donc familier de par l'actualité ainsi que par les extraits qui nous ont donnés un aperçu de ce réalisme saisissant. J'ai donc commencé ce film sans grande attente, hormis une concernant Vincent Lindon. Et je n'ai pas été déçue car même si le sujet peut en dissuader certains, l'interprétation de l'acteur est remarquablement sincère et brusque. Bien qu'il n'y ait aucun point commun entre les deux films, "En guerre" et "La môme" sont pour moi des films portés par la performance d'un acteur/d'une actrice (Vincent Lindon, Marion Cotillard), dont on ne peut que saluer le travail et la présence devant la caméra.
Tout au long du long-métrage, on vit au rythme des altercations, des réunions, des négociations, des déceptions. Notre place est parmi les syndicalistes, sans parler d'une prise de position ou d'un avis personnel. Outre la CGT ou l'entreprise Dimke, force est de constater la persévérance (peut être trop poussive?) du groupe des 1100 salariés qui tente de trouver une alternative à la fermeture de leur lieu de travail. Ce qui est filmé par le réalisateur Stéphane Brizé est une réalité dont nous avons conscience, une réalité dont les médias nous alimentent. Mais une fois l'aspect "reportage" occulté, le spectateur se retrouve au milieu d'une véritable lutte contre les règles du capitalisme, contre "La loi du marché" (film avec Vincent Lindon) qui sévissent et détruisent des quotidiens. D'un certain point de vue, le film prend parti pour ces hommes et ces femmes qui luttent pour continuer à travailler, sans pour autant en faire des héros à la parole sainte et pure.
Leur ténacité force l'admiration que ce soit par la durée de leur combat mais aussi par leur détermination à solutionner cette fermeture injustifiée. Mais comme dans tout groupe d'individus, les scissions commencent à se faire sentir et les conflits au sein d'un même parti menacent de détruire les efforts et les sacrifices de chacun.
A la sortie de l'ultime réunion sur laquelle reposait les dernières lueurs d'espoir, une multitude d'émotions prennent possession de certains syndicalistes et les fait basculer dans une violence incontrôlable. Ce basculement est d'autant plus déplorable que durant tout le film, le groupe tente d'apaiser les individus les plus impulsifs afin de rester crédible aux yeux des supérieurs qu'ils souhaitent rencontrer mais aussi de la société (aussi étonnant que cela puisse paraître, la scène présente un aspect "comique", qui est discutable, j'en conviens).
Lutter oui, mais jusqu'à quand? Pourquoi ? Et surtout comment ? La grève depuis 1864, les manifestations ou encore les pétitions sont des moyens de s'affirmer, d'opposer une résistance à ce qui est en train de se passer contre son gré. Le film monte en puissance : la bande-son et les slogans collant parfaitement à la tension électrique dont nous sommes témoins, sans oublier les mouvements brusques de caméras qui rappellent l'ancrage dans le réel, la sincérité des faits et des propos. Et c'est une fois que ce crescendo sonore et visuel a atteint sa limite et que nous en sommes imbibés que survient le seul moment où l'on ne retient pas son souffle : la rencontre de Laurent (Vincent Lindon) et de son petit-fils.
Le calme de la maternité, après les débordements, offre une pause silencieuse, un moment de répit, avant d'aborder les dernières minutes du film. Malgré la déception suite au refus du groupe allemand, on ne peut s'empêcher de voir le nourrisson comme un symbole de la continuité de l'existence, l'idée que dans tout ce tourbillon, tout n'est pas à l'image du caca que les syndicalistes reçoivent par courrier, parmi les lettres de soutien. Mais c'était sans compter sur le "suicide surprise" de Laurent, qui laisse ses collègues ainsi que les spectateurs hébétés et sans ressource. Cet homme qui ne lâchait rien depuis 3 mois, décide d'en finir comme ça ? Le choc dépasse largement tous les évènements qui ont précédé, ils en deviennent même secondaires.
La déclaration finale du groupe qui désirait fermer l'entreprise laisse entendre que son sacrifice ne sera pas "inutile" même si cet incident tragique n'est évidemment pas mentionné ainsi.
Dans tous les cas, je suis obligée de souligner que ce que j'aime le plus dans le cinéma, c'est partir sceptique et finir conquise.