Une enquête allégorique jonchée de cadavres

Dès les premiers plans, avec l'image de cette femme en peignoir terrorisée qui court dans la nuit sur une route sinistre, le style d'Aldrich se dessine, on est en plein suspense, et on comprend que le film ne sera pas seulement une adaptation de plus d'un polar, mais au contraire un film exceptionnel, en forme d'allégorie, signé par l'un des meilleurs réalisateurs de cette époque années 50, une décennie où le polar noir est très différent de celui plus existentiel des années 40.
Aldrich invite le spectateur à une véritable descente aux enfers qui se termine par un final spectaculaire et terrifiant, tout en transformant son film en parabole sur le gangstérisme. Film révolutionnaire dont l'influence sera énorme, on en sort avec un sentiment de jubilation qui console des polars médiocres ou bâclés, c'est une sorte de brûlot sans vedettes qui raconte l'histoire d'un privé ayant le don de foncer dans des combines douteuses et crapuleuses, le plus souvent jonchées de cadavres. Pas de vedettes, mais un Ralph Meeker extraordinaire ; excellent second rôle des années 50, il insuffle l'expression virile et affirmée à ce Mike Hammer tel que l'a conçu le romancier Mickey Spillane, c'est à dire bourru, brutal, féroce et aussi pourri que la société qui l'entoure, et où les femmes (telles Cloris Leachman, Maxine Coper ou Gaby Rodgers) sont souvent aussi dangereuses que les gangsters.
Cette noirceur est sans cesse présente tout au long du film, dont le rythme mené à toute allure ne se relâche jamais, et Meeker est confronté aux "heavy guys" les plus coriaces de l'époque (Albert Dekker, Paul Stewart, Jack Elam) dans cette aventure criminelle dont Aldrich se plait à brouiller les pistes. Tous les ingrédients du film noir sont en place : un privé fonceur confronté à une enquête mystérieuse, une atmosphère de violence inouïe et l'assortiment habituel de truands, de flics et de vamps, mais le réalisateur atomise les conventions du film noir en étant à la fois fidèle à ses codes, et en ne ressemblant à aucun autre de ce genre si cher à Hollywood. Un polar d'une fulgurance absolue !

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le 6 mars 2017

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Ugly

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